The young gods au Transbordeur : samplement éternels
Rock indus / Avec le récent Appear disappear le trio helvète réaffirme son art d'allier indus, rock et électronique dans une cérémonie radicale. À éprouver à même la peau, au club Transbo.

Photo : The young gods © Charlotte Walker
Sur scène comme sur disque, le groupe The young gods incarne un choc esthétique, où la puissance du montage sonore génère l'inépuisable métamorphose de leurs propositions. Car malgré les quatre décennies traversées, le groupe affiche encore aujourd'hui une originalité résultat d'une réinvention perpétuelle, capable de passer de rythmes martiaux des débuts à l'ambient, de la musique industrielle au minimalisme.
Le sampler comme machine critique
Le geste fondateur de son esthétique consiste à faire de la musique un laboratoire, un champ de forces, détrônant la guitare de son statut d'instrument-roi, pour élever le sampling au rang d'organe vital. Partant du postulat que la forme rock devait être déplacée, le groupe, au milieu des années 80, rompt avec la tradition et plonge dans l'expérimentation. De ce fait, chez eux, le fragment échantillonné abandonne son statut de simple matériau pour réarticuler les traces du réel.
Il y a là une politique de l'écoute : déplacer l'horizon du rock vers une écriture qui doit autant à la musique concrète qu'au club. On comprend alors pourquoi leur son a fasciné autant David Bowie, Nine inch nails, Ministry, ou Mike Patton, mais aussi The chemical brothers, Kill the thrill ou Laika : tous y ont reconnu une possibilité d'élargir leur propre pratique.
Excédent et affres
Constamment saturée d'archives sonores, de rémanences culturelles ou de fragments qui semblent arrachés à d'autres histoires, leur musique érupte de l'imbrication d'échantillons, provoquant la création non pas d'un récit linéaire, mais d'un enchevêtrement de tensions : un assemblage où chaque élément ne prend sens qu'en relation avec les autres.
Appear disappear, treizième album studio sorti six ans après l'atmosphérique Data mirage tangram, et trois ans après la relecture du chef-d'œuvre de Terry Riley, In C, affiche une dimension plus inquiète et personnelle du groupe, où les affres contemporaines tels que les conflits, la surveillance ou la solitude numérique s'entremêlent. Prolongeant la logique du cut-up, le disque accueille également le retour brut des guitares et, entre boucles répétées, rythmiques inexorables, et la voix incantatoire de Franz Treichler. Tout fonctionne comme une machine rituelle, non pas pour divertir, mais pour décaler l'état de perception.
Une référence qui persiste
Depuis 1985, la singularité de The young gods réside dans leur capacité à être, simultanément, un groupe culte et une référence matricielle : rares sont les formations qui peuvent se targuer d'avoir influencé à la fois le rock expérimental, la scène indus et l'électronique de club.
Le concert au Transbordeur, loin d'être un retour nostalgique, se veut comme l'occasion de confirmer la persistance d'une musique qui ne cesse de jouer avec le feu, et de chercher, par le son, une forme de transe chamanique collective.
The young gods
Mardi 21 octobre 2025 à 20h au Transbordeur (Villeurbanne) ; 26€