Claude Régy est catégorique : « Molière, Feydeau, ... C'est vraiment s'enfermer dans des limites restreintes et, à mon avis, un peu périmées » (il répondait ainsi à une question sur sa nomination aux Molières). Laissons au metteur en scène qu'est Régy la parenté de cette analyse, mais affirmons tout de même que nous sommes, dans une certaine mesure, d'accord avec lui. Notamment lorsqu'il s'étonne que l'on monte toujours les mêmes auteurs classiques, toujours de la même façon, sans prendre de risques (nous en aurons un exemple parfait mi mai à la MC2 avec Les Fausses Confidences de Marivaux par Didier Bezace), et lorsqu'il évoque la notion de « limites restreintes ».
Des limites que Philippe Car (ex Cartoun Sardines, maintenant à la tête de l'Agence de Voyages Imaginaires) dynamite pourtant cette semaine à l'Hexagone, et on lui en est reconnaissant. En faisant du Bourgeois Gentilhomme de Molière le matériau initial d'une grande farce théâtrale visuelle, Car redonne pleinement son sens à l'idée d'un théâtre populaire et festif accessible, sans forcément tomber dans la facilité. Alors certes, cette pièce contant les déboires d'un homme victime de ses ambitions bourgeoises a été vue plus de mille fois, mais le metteur en scène en change notre vision en la revisitant totalement. Il fait de Monsieur Jourdain (Philippe Car lui-même, hilarant) la victime d'une grande farce fantastique, où le Maître de philosophie est simplement une grande bouche en mousse et celui d'armes un robot télécommandé. Car s'inspire ainsi du bunraku (type de théâtre japonais datant du XVIIe siècle), en donnant vie à diverses grandes marionnettes. Et dépoussière ainsi Molière (Jourdain apparaît comme un grand enfant gâté) en lui restant fidèle (la forme n'élude pas le fond) : un tour de force appréciable. AM
LE BOURGEOIS GENTILHOMME
Mardi 4 et mercredi 5 mai, à 20h. A l'Hexagone (Meylan)