CRITIQUE / Sur scène, une structure impressionnante faite de différents fils de fer maintenus en l’air par une combinaison de câbles. Au sol, un homme, adossé à ce mastodonte. Les spectateurs rentrent petit à petit, prenant conscience des différents plans avant le début de la représentation. Soudain, l’homme se lève, et commence un tour du plateau, en s’appuyant ici et là. La scène dure cinq, peut-être dix minutes, et elle scotche d’emblée celui qui acceptera de se laisser transporter par ce duo où un homme au corps abîmé se confrontera à une jeune fille aérienne. Lui, c’est Œdipe ; elle, c’est Antigone : un père et une fille qui sont aussi frère et sœur comme nous l’a raconté la mythologie. Mais ici, la lecture n’est pas imposée, libre à chacun d’imaginer la relation entre les deux personnages. Car c’est bien là la force de Sur la route : malgré une conception très référencée, le spectacle reste ouvert, laissant l’imaginaire du public vagabonder où bon lui semble. Pour donner corps à l’ensemble, Antoine Rigot a fait appel à la fildefériste finlandaise Sanja Kosonen, interprète d’une grâce désarmante. De cette rencontre, tout d’abord douloureuse car plaçant l’homme face à son incapacité criante de s’élancer dans les airs, naîtra une osmose évidente construite autour de l’équilibre des forces, chacun se dirigeant ouvertement vers l’autre. Alors que les médecins pronostiquaient qu’Antoine Rigot ne marcherait plus après son accident, il se dresse là, devant nos yeux, allant même plus haut qu’on ne pourrait le penser. Ni voyeuriste, ni empli de pathos, ce Sur la route devient alors une proposition d’une extrême justesse ; tout simplement. AM
