Matteo Garrone donne sa version, auteuriste et cheap, des contes de fées, produisant une héroïc fantasy laborieuse qui rappelle les grandes heures du bis italien.
Que Matteo Garrone n'ait pas souhaité s'enfermer dans le réalisme suite au succès de Gomorra est une bonne chose ; d'ailleurs, lorsqu'il osait la stylisation dans Reality, il parvenait à déborder l'hommage à l'âge d'or de la comédie italienne pour en retrouver l'esprit esthétique. Avec Tale of tales, les choses se compliquent : abordant un genre en vogue (les contes et l'héroïc fantasy) via l'adaptation d'un classique de la littérature italienne, il tente le grand pont vers l'imaginaire pur, entrecroisant plusieurs récits où l'on retrouve des monstres, des sorcières, un roi, des reines et des princesses.
Or, le style Garrone s'avère assez vite à la traîne de son ambition : jamais la mise en scène ne parvient à donner le souffle nécessaire pour nous faire pénétrer cet univers baroque et fantastique. D'où une suite d'hésitations fatales : entre le sérieux et la dérision, l'auteurisme et le divertissement, le film à sketchs et le film choral...
Mal construit (l'épisode des faux jumeaux est de loin le plus faible, et le scénario le traîne comme un boulet jusqu'à son terme), pas toujours convaincant dans ses décors et ses effets spéciaux, empêtrés dans des figures de style qui tournent vite au gimmick (les travellings à la steadycam sur des personnages de dos), Tale of tales ressemble au descendant des produits commerciaux opportunistes que le bis italien était capable de produire à la grande époque, la prétention en plus. Garrone serait-il le nouvel Antonio Margheriti ?
Christophe Chabert