Spectacles / Le collectif Petit travers, défenseur depuis treize ans d'un jonglage poétique fort en images, débarque à Grenoble avec deux spectacles – une grande forme pour sept interprètes et un trio avec piano. Deux véritables réussites qui nous ont donné envie de passer un coup de fil à Julien Clément, co-directeur artistique du collectif.
Avec le collectif, vous faites du jonglage, mais pas un jonglage simplement limité à la performance...
Julien Clément : Oui. On utilise le jonglage comme un matériau, comme un outil de scène, comme une possibilité de langage. Et tout ça dans une visée poétique et musicale. On essaie de proposer un cadre assez simple pour jouer sur la surprise, pour avoir un spectateur à l'affût, pour l'étonner, le surprendre...
Avec, en stars de chaque spectacle, les balles de jonglage. Même si, dans les deux créations que vous présentez à Grenoble, leur rôle est très différent...
Pour chaque spectacle, on essaie de redéfinir cet objet, de savoir si c'est quelque chose d'abstrait ou si c'est un être animé d'une vie propre. Dans le tout début de Pan-Pot ou modérément chantant, il y a la mise en place de l'histoire de ces balles qui sont comme autonomes, qui ont leur trajectoire de vie : même si on comprend qu'elles sont jonglées, on ne voit pas les jongleurs, on ne voit pas leurs mains, ils sont vraiment dépersonnalisés.
Pour Les Beaux Orages qui nous étaient promis, on a plus pris ces balles comme un élément de construction abstrait : elles permettent de faire comme une espèce de musique d'ensemble avec uniquement des voix séparées. Elles ne sont pas chargées chacune comme dans Pan-Pot, mais leur ensemble devient vivant et se transforme constamment.
Ces balles deviennent alors un vecteur d'imaginaire. Dans Pan-Pot, on peut les voir comme autant de notes de musique échappées d'une partition...
Complètement, même si ça appartient au spectateur. On essaie simplement d'ouvrir un imaginaire. Après, ce qui est perçu est différent selon les personnes. Pour Pan-Pot, on a des retours très différents : certains, en effet, perçoivent des notes comme on est dans un rapport technique à la musique et qu'on a des niveaux de hauteur qui évoquent aussi des notes. Mais certains voient des étoiles filantes, des feux d'artifice ou encore des morceaux de paroles, comme des dialogues.
Le collectif a vu le jour en 2003, mais il a beaucoup évolué au fil des ans...
Le premier spectacle s'appelait Le Petit travers : c'était un duo de Denis Fargetton et Nicolas Mathis qui sont mes deux partenaires de jonglage de Pan-Pot. Tout ça s'est alors transformé en collectif comme d'autres gens les ont rejoints, dont moi en 2006. Ensuite il y a eu un autre spectacle puis, à mon arrivée, on a commencé à travailler sur Pan-Pot qui est sorti en 2009.
Il y a donc 7 ans. Vous concevez ainsi, spectacle après spectacle, un véritable répertoire...
Oui. On en est à environ 230 représentations depuis la création de Pan-Pot ! Les Beaux Orages sont par contre plus récents – 2013. Ce spectacle, on l'a joué à peu près soixante fois. Et d'ailleurs, à Voiron, ce sera notre dernière : on a décidé de l'arrêter comme on est de nouveau en création avec une grosse équipe – il y a sept jongleurs dans Les Beaux Orages. Ce nouveau projet, baptisé Dans les plis du paysage, sortira en septembre à la Biennale de la danse de Lyon [et sera visible ensuite dans l'agglo grenobloise – NDLR].
Pour finir, une interrogation : il n'y a quasiment que des hommes dans vos spectacles. Le jonglage, c'est un truc de mec ?
Dans Les Beaux Orages, il y a une fille qui s'appelle Juliette ! Dans Pan-Pot, on est certes trois jongleurs hommes, mais il y a une pianiste avec nous. Et dans Dans les plis du paysage, il y aura deux jongleuses. Après, oui, il y a beaucoup plus d'hommes dans le jonglage, même chez les très jeunes. Dans les écoles de cirque, ce sont plutôt les garçons qui vont vers cette pratique. Mais, heureusement, il y a quand même quelques femmes !
Les Beaux Orages qui nous étaient promis
Au Grand Angle (Voiron) mardi 10 mai à 20h
Pan-Pot ou modérément chantant
À la Rampe (Échirolles) jeudi 12 mai à 20h