de Jean-Bernard Marlin (Fr, 1h49) avec Dylan Robert, Kenza Fortas, Idir Azougli...
À peine sorti de prison, Zak s'esquive du foyer pour mineurs où on l'a placé, sa mère ne souhaitant plus héberger cet ado à problèmes. Recalé par le caïd de son quartier, il se lance dans le proxénétisme pour le fric et par amour pour Shéhérazade...
Portrait rude et âpre d'une jeunesse en déshérence encore bien proche de l'enfance (mais qui s'illusionne d'être parvenue à l'âge adulte pour fuir sa détresse), Shéhérazade explique sans jamais recourir au "didactisme" du film-dossier comment des gamins abandonnés tombent dans la spirale sans fin de l'autodestruction. Cependant subsiste en eux une malingre et parfois inattendue étincelle, suffisamment vivace pour les ramener du côté de la lumière. Mais à quel prix – voir l'excellent De toutes mes forces (2017) de Chad Chenouga.
Le réalisateur Jean-Bernard Marlin capte avec talent ce mélange d'innocence et de violence, toutes deux consécutives à l'immaturité et à l'inculture des personnages : absences de repères, de sécurité affective, d'interdits, d'éducation, de mots pour se structurer conduisent à un inéluctable chaos. Loin de préparer le terrain à un angélique happy end, il brûle autant ses images qu'il abrase les pauvres destinées de ses personnages, tristes paumé·e·s ne voyant pas au-delà du trottoir voisin.
Sans misérabilisme ni fascination suspecte pour la marginalité, Marlin inscrit des corps bruts et sans apprêts dans la globalité non esthétisée de la cité phocéenne ; la sécheresse de ses quartiers et sauvagerie de sa nuit. Des corps habités par de jeunes débutants qu'il a eu le flair de débusquer et qui confèrent, au-delà de leur fougue, une supra vérité à Zak et Shéhérazade.