De François Ruffin et Gilles Perret (Fr, 1h16) documentaire
Peu après l'acte I du mouvement des gilets jaunes, le cinéaste Gilles Perret et le député France Insoumise François Ruffin sont partis à la rencontre des manifestants occupant les ronds-points afin d'écouter leurs histoires personnelles et de collecter leurs revendications collectives... Tels des héros d'un road-buddy-movie militant, Gilles et François sillonnent donc l'Hexagone du nord au sud dans la voiture du second – on serait taquin, on leur rappellerait que d'un point de vue géographique, ils auraient eu plus de chance d'avoir le soleil tant désiré en ligne de mire en suivant un axe est-ouest.
Rythmé par des chansons nostalgiques et désuètes (quand elles ne prennent pas un tour ironique – Nationale 7, Douce France... ) et entrecoupé d'un florilège de la morgue verbale d'Emmanuel Macron à l'endroit du peuple, ce cahier de doléances audiovisuel contient des témoignages aussi concrets que poignants donnant des visages et des corps à la crise, à la misère, à la désertification rurale, à la désespérance ordinaire. De ce point de vue, ce film complète les grand-messes organisées (et contrôlées) par le gouvernement, où la parole était distribuée au compte-gouttes aux opposants quand elle n'était pas confisquée. Et si les intervenants sont ici triés sur le volet pour l'exemplarité dramatique de leur situation, on se dit qu'en l'occurrence, c'est de bonne guerre.
Les cinéastes franchissent en revanche la ligne (jaune, forcément) lorsqu'ils placent tous les manifestants revêtus de la flavescente casaque dans le même sac d'angélisme, décrétant que le mouvement ne peut réunir que de braves personnes et pas le moindre facho. Est-ce de la malhonnêteté intellectuelle caractérisée, de l'aveuglement idéologique primaire ou bien un pur biais cognitif aboutissant à un déni de la réalité objective ? L'intérêt du film, c'est qu'il fait parler de la précarité galopante par celles et ceux qui la vivent, pas qu'il caresse dans le sens du poil un public-électorat acquis d'avance, ni qu'il simplifie à chaud et par intérêt une situation éminemment plus complexe.