De Rodrigo Sorogoyen (Esp-Fr, 2h11) avec Antonio de la Torre, Monica Lopez, Nacho Fresneda...
2007. Cadre politique régional en pleine ascension nationale, Manuel est brutalement écarté à la suite de la mise au jour d'affaires de corruption au sein de son parti. Traité en fusible alors que l'exécutif entier était au courant, Manuel refuse de se laisser abattre. Au figuré comme au propre...
Après le choc Que Dios Nos Perdone (2017), moite thriller virtuose combinant (entre autres) sexe, sang, brutalité et religion, le réalisateur espagnol Rodrigo Sorogoyen et son comédien Antonio de la Torre se retrouvent comme promis pour cette "fiction susceptible de refléter certaines facettes de la vie politique espagnole". Une fois encore, il s'agit d'un mélange des genres : avec leurs costumes bien coupés, leurs évocations de "dividendes" et de vacances autour d'une belle table, les protagonistes ressemblent davantage à des hommes d'affaires (ou des mafieux) qu'à des politiciens ; ils tiennent en réalité un peu des trois, se repaissant de magouilles et de collusions avec un appétit décuplé par leur sentiment d'impunité. Avides, hypocrites, maladroits, veules, ces politiciens accordent un temps infinitésimal à leur mandat : celui-ci présentant trop d'intérêt – dans toutes les acceptions du terme.
Le message délivré par le film se révèle non pas cynique mais effroyablement pessimiste : accéder au sommet en politique, en justice ou dans la presse corrompt inéluctablement les esprits et les âmes. Et chaque nouveau venu dans tous les cénacles du pouvoir, quelle que soit sa probité originelle, devient de son plein gré le meilleur chien de garde du système. Le non-dialogue final en est l'une des plus tristes illustrations. Avec son personnage de pomme pourrie perdue dans un panier de crabes, Antonio de la Torre se retrouve à nouveau dans une configuration "seul contre tous". Elle lui a porté chance jusqu'aux Goya : il a décroché pour ce film celui du meilleur acteur.