Vendredi 11 mars 2022 Superbe travail photographique de Maya Paules, qui nous offre une plongée dans la nostalgie de l'enfance à travers sa propre progéniture.
Les fantômes du Congo
Par Benjamin Bardinet
Publié Vendredi 19 mars 2021
Photo : (c) William Dupuy
Photo / De 2014 à 2019, le photographe William Dupuy a arpenté les confins de la République démocratique du Congo à la rencontre des enfants soldats. Une plongée dans l'enfer des conflits inter-ethniques dont le regard hagard des protagonistes témoigne de la détresse, souvent inconsciente, qui les hante. Une exposition à découvrir au Studio Spiral.
Sous un ciel encombré de nuages teintés d'un gris électrique, une luxuriante végétation vert sombre recouvre le doux relief de collines dont les lignes sinueuses se perdent dans le lointain. L'ambiance singulière qui se dégage du paysage que dévoile le cliché introductif de l'exposition de William Dupuy a autant pour but de témoigner des caractéristiques géographiques du Nord Kivu, à l'Est de la République démocratique du Congo, que de nous plonger dans l'étrange atmosphère de cette contrée en proie à de multiples conflits. Une dimension fantasmatique que William Dupuy amplifie en re-baptisant ce territoire Neverland en référence à Peter Pan, car, tout comme la fameuse île issue de l'imaginaire de J.M. Barrie, cette région abrite un grand nombre "d'enfants perdus".
En effet, embrigadés dès leur plus jeune âge, les enfants-soldats du Nord Kivu s'engagent dans de multiples micro-conflits qui les dépassent et dont ils ne savent généralement pas grand-chose, si ce n'est que s'ils ne tuent pas l'ennemi qui leur est désigné, c'est eux qui seront tués. Totalement désœuvrés et déscolarisés (les rares instituteur.trices encore en place expliquent généralement ne pas recevoir leur salaire de l'État), souvent issus de familles ou d'ethnies victimes d'exactions, ces enfants se mettent au service des milices locales pour défendre des intérêts dont ils ne tireront jamais aucun bénéfice.
Photographies spectrales
William Dupuy accompagne chacun des portraits exposés d'un court texte qui rapporte les conditions de la rencontre et les propos de la personne portraiturée. Il complète par ailleurs de quelques informations contextuelles très enrichissantes. Voisine du Rwanda, cette région du Congo, également peuplé de Tutsi et de Hutu, apparaît comme une émanation sourde et inconsciente du conflit ethnique qui a ravagé ce pays il y a un quart de siècle. Mais, tandis que le Rwanda se remet peu à peu (et de manière exemplaire) de son histoire grâce à une politique mémorielle forte ; hantés par ce génocide dont elles sont souvent parfaitement ignorantes, les ethnies du Nord Kivu sont condamnées à vivre perpétuellement des crimes et des exactions qui leur semblent dans l'ordre naturel des choses.
En optant pour un travail à la chambre qui lui permet de produire une zone de flou inconstante autour des individus photographiés, William Dupuy renforce le regard que ces personnes lui adressent et donne l'impression que l'ensemble de cette population délaissée par les pouvoirs publics et ignorée des Congolais eux-même, flotte dans un environnement spectral. Un territoire fantomatique, oublié de tous et dont eux-mêmes n'ont pas l'air tout à fait sûr qu'il existe...
Neverland, les enfants du Congo, William Dupuy, au Studio Spiral, jusqu'au 4 avril.
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