Théâtre / Avec "Les Gardiennes", le metteur en scène et auteur Nasser Djemaï s'intéresse à la place que la société accorde (ou non) à nos aînés – aînées, ici. Un spectacle dans la lignée de son succès "Invisibles", qui démarre dans un univers réaliste pour voguer ensuite vers des contrées plus fantastiques.
Il y a un peu plus de dix ans, Nasser Djemaï dévoilait à la MC2 son spectacle Invisibles qui s'intéressait aux Chibanis, ces travailleurs immigrés d'Afrique du Nord restés en France sans leur famille. Une immense réussite centrée sur un sujet peu traité par un milieu du théâtre contemporain parfois en boucle sur les mêmes thèmes. Bonne nouvelle : avec sa dernière pièce Les Gardiennes, le même Nasser Djemaï offre une sorte de pendant féminin à son succès, en mettant cette fois en avant quatre femmes âgées blotties dans l'appartement de l'une d'elles. Sauf qu'un élément extérieur va chambouler l'harmonie évidente de cet univers caché...
Comme dans Invisibles, Nasser Djemaï joue d'emblée sur les oppositions pour faire avancer son récit, grâce au personnage de la fille d'une de ces vieilles dames bien décidée à emmener sa mère en Ehpad. Ce que ses colocataires n'entendent pas de cette oreille, préférant leur utopie d'infortune hors des contraintes à la triste réalité. D'où des scènes très drôles (parfois appuyées) comme autant de chocs des générations, des époques, des façons de vivre...
Anges gardiennes
Portée par une distribution solide donnant un côté touchant et espiègle à ces vieilles dames (avec la matriarche, la lunaire...), cette histoire se suit avec plaisir. Et, surtout, elle dit en filigrane beaucoup de choses sur ce que notre société fait subir, consciemment ou non, aux plus anciennes et anciens, contraints de vivre loin du monde une fois que leur utilité sociale est jugée amoindrie – l'une des héroïnes, aujourd'hui muette et en fauteuil roulant, était une figure de luttes sociales passées.
Reste le choix de Nasser Djemaï de finir son aventure en plongeant à corps perdu dans le fantastique. Certes, ce parti pris lui permet autant d'ouvrir son récit au-delà de la simple opposition que d'offrir de belles images ; mais il laisse également le sentiment d'un auteur qui a lutté pour trouver la fin de sa pièce, sortant alors cette facilité de sa manche. Du moins c'était notre impression lors de la création le mois dernier au Théâtre des Quartiers d'Ivry (banlieue parisienne), lieu que Nasser Djemaï dirige depuis deux ans. Ça a peut-être bougé depuis...
Les Gardiennes mercredi 14 et jeudi 15 décembre à la MC2 ; de 5€ à 28€