Vous allez rire : les comedy clubs débarquent à Grenoble

Phénomène / Depuis quelques mois, les comedy clubs poussent de partout à Grenoble. Ces plateaux d’humoristes amateurs ou en devenir, où le stand-up est roi, investissent les bars de la ville avec un succès indéniable. Souvent gratuites, variées, qualitatives, ces soirées d’un nouveau genre sont la preuve que l’humour, désormais, est à la portée de tous. 

Impossible de trouver une table, ce soir-là, au Levrette Café. Le bar de l’esplanade Alain-le-Ray déborde de clients, les serveurs se faufilent difficilement entre les retardataires résolus à rester debout, la chaleur s’installe. Tout ce monde s’est déplacé spécialement pour assister au comedy club de l’association Bars de rire qui présentait, pour le 8 mars, un plateau d’humoristes exclusivement féminin. Au programme, quatre Grenobloises et une Parisienne venues défendre 10 minutes de stand-up chacune. Elles ne sont pas confirmées, pas débutantes non plus : les vannes s’enchaînent avec aisance, le rythme est bon, les sketchs rodés. « Sur Tinder, les filles disent toutes qu’elles font du ski, du vélo, de la rando… Mais moi j’veux une meuf, pas une MJC ! » Rima fait mouche avec cette trouvaille, rires et applaudissements nourris du public. La Grenobloise quitte les planches galvanisée : « Je fais du théâtre depuis plusieurs années, mais je suis montée sur scène avec mes propres vannes pour la première fois en septembre dernier ! »

C’est tout le principe du comedy club – un concept initié en France par Jamel Debbouze en 2006 : permettre à des humoristes amateurs de se frotter à un public pendant quelques minutes, de tester leurs blagues et – si possible – de se forger ainsi une petite notoriété. Longtemps cantonnés à la région parisienne, ces plateaux d’humour, organisés le plus souvent dans des cafés de façon récurrente, essaiment désormais dans plusieurs villes de province.

Succès fou

À Grenoble, le phénomène prend une ampleur sans précédent depuis quelques mois. Les comedy clubs fleurissent un peu partout : au Levrette Café et au Café de France avec Bars de rire, à Michel Musique et son QG comedy club, aux Berthom sous l’égide de l’humoriste Louis Bonhoure, au Beer Square avec la Troupe du rire, mais aussi, moins régulièrement, au Rocky Pop, au Kiltin’, au Coup de Pousse… Et le public est au rendez-vous : « On a senti qu’on répondait à un besoin. On n’a pas beaucoup forcé pour que les gens viennent. À chaque fois au Levrette, la majorité du public est composé de gens qu’on n’avait jamais vus. Pendant longtemps, ces plateaux se jouaient dans des lieux plus institutionnels comme la Basse Cour, et nous, on a amené l’humour dans des endroits où ça n’existait pas, c’est-à-dire dans les bars », expliquent Marouane Jebari et Dimitri Martinez, fondateurs de Bars de rire. « Quand les gens vont voir un comedy club, ils vont voir plein d’artistes différents. Ce n’est pas la même démarche que de se rendre au spectacle de quelqu’un que tu ne connais pas, avec lequel tu vas rester une heure. Là, s’il y en a un qui ne te plaît pas, les deux autres peuvent te plaire. Ça permet de varier les plaisirs, les styles d’humour… », complète Louis Bonhoure. Autre argument de choix : l’entrée est souvent gratuite, avec toutefois une incitation à donner quelques sous dans un chapeau pour les artistes.

« À Paris, c’est un peu la jungle »

À Michel Musique – où l’ambiance lumineuse et le mur de briques rappellent furieusement le célèbre plateau de Jamel – Salima Guerziz a lancé, avec son mari Mourad Latreche, le QG comedy club en septembre 2021. Elle est partie d’un constat : « J’ai commencé l’humour il y a quatre ans, j’ai joué à Lille, à Paris, à Marseille, à Lyon, mais très peu à Grenoble car il n’y avait tout simplement pas de lieux à disposition. C’est un milieu qui est très compliqué : je payais mes déplacements, à Paris j’ai dû attendre trois heures dehors dans le froid pour jouer trois minutes ! C’est un peu la jungle ! Avec le QG comedy club, on a voulu créer un endroit où on accueille les artistes dans de bonnes conditions, où ils ont le temps de jouer. Chez nous, on joue au moins 10 minutes, et jusqu’à 20 minutes pour quelqu’un de confirmé. L’objectif, c’est que ce soit un show, pas de l’abattage. » Ici, l’entrée est payante afin de défrayer des artistes venus de Lyon, de Paris, ou de Belgique, avec même quelques noms du Jamel Comedy Club dont Marine Ella et Sofia Belabbes. « On accepte les débutants comme les confirmés, mais mon but principal n’est pas de découvrir des talents locaux, plutôt d’amener à Grenoble des humoristes que les Grenoblois ne pourraient pas voir autrement. »

Mickaël Bièche, le parrain

Salima, comme d’autres artistes écumant les comedy clubs grenoblois aujourd’hui, est une ancienne élève de Mickaël Bièche. Lui, c’est un peu le parrain. Humoriste depuis une quinzaine d’années, il est l’instigateur de la Troupe du rire qui se produit une fois par mois au Beer Square et au Laser game café de Saint-Martin-d’Hères. Soit un atelier du rire dans lequel il accueille tous les apprentis stand-uppers du coin en les aidant à perfectionner leur écriture, à mettre en scène leurs sketchs, à développer leur talent, afin de créer un « véritable vivier d’humoristes à Grenoble ». Il observe avec une certaine circonspection l’explosion toute récente des comedy clubs grenoblois : « J’ai pris une claque parce que nous, avec quatre Isérois – un magicien, trois humoristes – on a lancé le premier comedy club à Grenoble en 2011 et depuis, on a toujours proposé des scènes. Mais le stand-up à l’époque, c’était réservé à l’élite, ça ne s’était pas démocratisé. Par ailleurs, les théâtres ne voulaient pas de nous, parce que le stand-up, pour eux, c’était pas vraiment un art, c’était populaire. »

Dix ans plus tard, la donne a changé et nombreux sont ceux qui veulent "tâter du micro" avec plus ou moins d’ambitions. Dans ses ateliers, Mickaël Bièche rappelle toujours à ses élèves que la réussite implique beaucoup de travail et de patience : « Il ne faut pas se dire qu’on va écrire un spectacle tout de suite. Il faut d’abord avoir 5 minutes solides. Puis 10 minutes solides, et ainsi de suite. Les comedy clubs sont très précieux pour ça, ils permettent vraiment d’accomplir ce processus. À l’époque, on n’avait pas ça… » S’il se réjouit de l’ampleur du phénomène, l’humoriste tient tout de même à soulever une crainte : « Lorsque j’ai découvert les premiers plateaux d’humour à Paris, on s’inscrivait sur une feuille, on n'était pas plus de 15 ! Maintenant, il y a trop de comedy clubs à Paris, tout le monde fait la même chose… J’espère que ça ne finira pas comme ça à Grenoble. C’est pour cela que, notamment avec Bars de rire, on essaie d’uniformiser tout ça sous une même bannière, histoire que ça ne se tire pas dans les pattes… »

Bars de rire un mardi sur deux au Café de France et un jeudi sur deux au Levrette Café, gratuit
QG comedy club un jeudi par mois à Michel Musique, 9, 95€
Grenoble comedy show un jeudi par mois au Beer Square, gratuit

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