À l'affiche / Les nouveaux films de deux grands réalisateurs : Albert Dupontel sort "Second tour", et Ken Loach signe avec Paul Laverty "The Old Oak".
À voir
★★★☆☆ Second Tour
Placardisée depuis des années au service foot, une journaliste politique est étonnamment dépêchée par sa hiérarchie pour suivre le candidat à la présidentielle Pierre-Henry Mercier, pourtant aux antipodes de ses idées et qu'elle a connu plus jeune. En douce, elle mène sa petite enquête...
Il y a un peu du Mister Chance immortalisé par Peter Sellers dans le personnage (tout en ambiguïtés) interprété par Albert Dupontel – ce candidat à la magistrature suprême dont le discours fascine les foules. Mais, comme dans chaque discours, il faut savoir lire entre (et sous) les lignes. Et cette seconde lecture est l'une des clefs d'un film abritant sous sa belle patine et sa science du cadre un propos furieusement contemporain – autant que pouvaient l'être à leur manière Au revoir là-haut (2017) fustigeant la corruption des élites ou Adieu les cons (2021) étrillant les petits chefs obtus de l'administration. À la croisée de la comédie burlesque (le duo entre le toujours génial Nicolas Marié et Cécile de France est un délice de chaque instant) et du film d'investigation journalistique à l'américaine façon Citizen Kane (1941) ou Les Hommes du Président (1976), Second Tour parvient à renouveler un vieux ressort scénaristique et à lui donner une parfaite crédibilité. On ne peut en sortir sans un regard ouvert sur le monde qui nous entoure... et la pleine conscience de l'importance du bulletin de vote. Un film civique, en somme.
De & avec Albert Dupontel (Fr., 1h37) avec également Cécile de France, Nicolas Marié, Uri Gavriel...
★★★☆☆The Old Oak
Un petit village du nord de l'Angleterre, touché par la misère, voit arriver des réfugiés syriens. À l'hostilité de certains s'opposent l'accueil et la générosité d'autres, dont TJ Ballantyne, propriétaire du pub local. Prenant sous son aile Yara, une jeune photographe, il accepte de transformer son établissement en cantine commune...
L'actualité sociétale crue, au tamis de l'utopie généreuse de Loach... Film après film, le cinéaste britannique pointe la situation de la classe populaire – de plus en plus massacrée par les partis dits "de gouvernement" – et trouve cependant encore des arguments pour que les victimes parviennent à résister au lieu de sombrer les unes contre les autres. Qu'un seul tienne et les autres suivront, titrait jadis un film de Léa Fehner, telle pourrait être sa philosophie mise en pratique par TJ Ballantyne : en ouvrant son pub au réfugiés et aux villageois abandonnés par des services publics sinistrés, le tenancier ne tourne pas le dos à ses (rares) habitués cuits dans leur rancœur ; au contraire, il fait revenir la vie, l'espoir et la solidarité dans un village en train d'agoniser. Comme toujours, Laverty et Loach signent simultanément une chronique réaliste ainsi qu'une fable à la morale hautement politique, si universelle qu'on la trouvait déjà dans les Évangiles : ce qui sauve l'Homme, c'est de conserver sa dignité comme boussole et de ne jamais céder à la tentation de la facilité.
De Ken Loach (G.-B., 1h53) avec Dave Turner, Ebla Mari, Claire Rodgerson...