En l’an de grâce 2008, les Etats-Unis ont été frappés par deux attaques nucléaires au Texas, point de départ d’une troisième guerre mondiale opposant la superpuissance à l’Irak, l’Iran, la Corée du Nord, la Syrie et l’Afghanistan. Les réserves pétrolières s’épuisent, mais le mystérieux Baron Von Westphalen vient de mettre au point une nouvelle source d’énergie, le Fluid Karma, reproduisant le cycle des océans. Boxer Santaros, acteur hollywoodien affilié au parti Républicain, s’est réveillé amnésique en plein désert, après trois jours de disparition. Il tombe sous l’emprise de Krysta Now, star du porno et animatrice de talk show au plan de carrière a priori infaillible. Ensemble, ils ont écrit un scénario, intitulé The Power, décrivant la fin du monde (qui interviendra à cause d’une infime baisse de vitesse de la rotation terrestre). Roland Taverner, vétéran de la seconde guerre en Irak rattaché aux terroristes néo-marxistes, se substitue à son flic de frère jumeau pour piéger Santaros. Et Pilot Abilene, rentré défiguré d’Irak par la faute de Ronald, s’occupe de la narration, entre deux shoots de Fluid Karma et des citations de la Bible. À la première vision, la seconde réalisation de Richard Kelly (après le très culte Donnie Darko) déroute, c’est le moins qu’on puisse dire. Cette grand-messe pop, pré-apocalyptique et foutraque à souhait se pare cependant d’une maîtrise esthétique allant à l’encontre de cette impression de fouillis ambiant, que son auteur a pensé comme un vaste objet théorique : une parodie croisée du Livre des Révélations et du Capital de Karl Marx (deux œuvres dont les similitudes structurelles ont été soulignées en de maintes reprises par des exégètes allumés), sous forme de soap opera post-moderne. Le film fut montré en sélection officielle à Cannes en 2006, calé entre des œuvres de Ken Loach et de Pedro Almodovar, et subit les lazzis de l’intelligentsia critique, trop heureuse de se trouver une tête de turc cinématographique pour décompresser. L’auteur sortit dévasté de cette expérience, s’enferma dans sa salle de montage pendant près d’un an. Il coupa près de 20 minutes de film, rajouta une centaine de plans digitaux pour rendre son œuvre plus “accessible“. Mais la nature même de l’œuvre est trop puissante et affirmée pour être réellement entachée par ces menues concessions. Même si l’on n’a pas pris la peine de démêler ses impressionnants entrelacs narratifs, Southland Tales se reçoit comme une décharge redoutable, une charge artistique unique, dont les multiples atouts finissent par emporter l’adhésion, pour peu qu’on soit un minimum réceptif : une réalisation tirant parti des multiples nouvelles technologies avec une pertinence rarement égalée, un casting proprement incroyable, au diapason des intentions satiriques de l’auteur, et surtout, de purs moments de cinéma à la grâce abstraite. À ce dernier titre, la dernière demi-heure du film, ballet onirique où tous les personnages se retrouvent à bord d’un Zeppelin, est probablement la plus belle réussite de son auteur. PS : La sortie américaine de Southland Tales fut accompagnée de l’édition de trois comics (Two Roads Diverge, Fingerprints, The Mechanicals) scénarisés par Richard Kelly et illustrés par Brett Weldele, premiers chapitres graphiques de cette histoire touffue (le film démarre aux chapitre 4). Forts d’une esthétique tranchée, ces produits dérivés constituent une introduction parfaite à l’univers du long-métrage, dont il explicite bon nombre de scènes clés. Leur lecture est vigoureusement conseillée avant le visionnage du film.

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