L'empire des sens

Un premier semestre cinéma qui promet de beaux moments de cinéma adulte, avec en tête de pont les nouveaux Lynch, Fincher et Eastwood, mais aussi quelques outsiders à surveiller de près. Christophe Chabert

Il n'y en a déjà que pour lui, et on le comprend : depuis sa projection au festival de Venise, tout le monde parle d'INLAND EMPIRE, le nouveau film de David Lynch. De l'avis général, il est encore plus expérimental que Mulholland drive, mais ça s'écharpe déjà sur le net pour savoir si son ésotérisme est la preuve de l'avant-gardisme absolu du cinéaste ou d'un pédalage en roue libre dans sa propre signature d'auteur. Quoi qu'il en soit, un nouveau Lynch, c'est un méga-événement, et on ne passera pas à côté. Autre monstre sacré, Clint Eastwood viendra boucler son diptyque sur la bataille d'Iwo Jima après Mémoires de nos pères, avec le versant japonais, Lettres d'Iwo Jima. Mémoires de nos pères était un chef-d'œuvre, alors on ne voit pas pourquoi celui-là serait moins bien ; en tout cas, à tous ceux, nombreux, qui n'ont pas vu le premier, la punition sera d'aller voir au moins deux fois le second ! Troisième film attendu comme le messie : Zodiac de David Fincher. Le réalisateur des énormissimes Fight Club et Seven nous avait laissés sur une impression mitigée avec le très mineur Panic Room. En s'attaquant, cinq ans après, à un fait-divers célèbre des années 70 (un tueur en série responsable du meurtre de 37 personnes, dont l'identité ne fut jamais découverte), et en blindant son casting (Jake Gyllenhaal, Robert Downey Jr, Gary Oldman), Fincher a mis toutes les cartes de son côté.Les bons samaritains
On aurait pu le classer aux côtés de ces pointures-là, mais Steven Soderbergh est tellement insaisissable que la prudence est toujours de mise avec lui. Après l'excellent Bubble et avant Ocean's thirteen, il signe un projet personnel et ambitieux, The Good German : noir et blanc, atmosphère de polar, contexte historique (Berlin, 1945), c'est le Soderbergh cinéphile qui officie sur ce coup-là. Et son copain Clooney est bien sûr de la partie ! Rayon outsiders à suivre, on guettera avec attention les premiers pas de Ryan Murphy pour le grand écran. Le créateur de Nip/Tuck a concocté une comédie de mœurs sans tabou intitulée Courir avec des ciseaux (meilleur titre de cette rentrée !). Joe Carnahan avait ébloui son monde avec le polar ultra-noir Narc ; après avoir failli réalisé MI III, il a dû se contenter de diriger Smoking aces, un film noir encore, mais avec des mafieux (et Ben Affleck). À suivre aussi, un film de SF de l'inégal mais toujours intéressant Danny Boyle (Sunshine), une évocation de la vie de Robert Kennedy (Bobby d'Emilio Estevez) et le deuxième film de De Niro cinéaste (The Good sheperd, à ne pas confondre avec le Soderbergh). Sans oublier le retour attendu de William Friedkin avec Bug, son film le plus personnel depuis 15 ans ! Enfin, deux films français donnent envie sur le papier : Truands, polar hardcore signé par le très bon Frédéric Schoendorffer, et le nouveau François Ozon, tourné à Londres et en anglais, Angel. On a connu pire, comme rentrée cinéma...