"Corporate" : critique et interview du réalisateur Nicolas Silhol

Corporate
De Nicolas Silhol (Fr, 1h35) avec Céline Sallette, Lambert Wilson...

Responsable des ressources humaines, Émilie se trouve impliquée dans une enquête de l’inspection du travail, suite à un suicide dans son entreprise. Jusqu’où restera-t-elle fidèle à sa hiérarchie ?

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D’une grande rigueur réaliste et peuplé d’un casting hétéroclite venant de la télévision, du théâtre ou du cinéma classique, Corporate dissèque les méthodes de management amorales mais totalement acceptées par nos entreprises modernes. Enveloppant son histoire d’une mise en scène économe, froide et sans éclat, son discours sur l’injustice sociale demeure louable mais aurait été plus audible dans un documentaire.

À se demander si le récit ne passe pas à côté de son sujet tant l’inspectrice du travail (justement campée par Violaine Fumeau) et son regard sur cet univers sans pitié placent au second plan une intrigue policière dispensable.

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Nicolas Silhol : « Je n’avais pas envie de faire un reportage »

Les DRH que l’on porte dans le cœur sont rares. Pourtant, c’est bien sur ce métier clivant que le réalisateur Nicolas Silhol a décidé de tourner son premier thriller. Entretien avec le patron du film.

Pourquoi sept ans séparent Corporate de votre précédent film — le court-métrage L’Amour propre ?
Nicolas Silhol
: Ce film a demandé une longue écriture. Mes scénaristes et moi-même ne voulions trahir personne en simplifiant. J’avais une approche théorique : mes sources étaient les inspecteurs du travail, les sociologues et les philosophes. J’ai lu un rapport de Sylvie Catala, la première à avoir enquêté sur les suicides à France Télécom, permettant de montrer au grand jour le système de management dans l’entreprise. Il faut savoir que la majorité des inspecteurs sont des inspectrices. À leur contact, on a compris que leur métier a mauvaise réputation alors qu’elles rappellent juste le droit. Elles ne sont pas là pour sanctionner mais pour être pédagogues. Le droit fait autorité et permet de fixer des limites. Les enjeux du film étaient donc juridiques et éthiques.

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Comment faire une fiction en digérant ces sources documentaires ?
NS : Je n’avais pas envie de faire un reportage. Très modestement, Sidney Lumet m’a beaucoup inspiré avec ses polars sociaux comme Serpico ou Prince of the City dans lesquels un personnage s’inscrit en rupture du système. Notre couple inspectrice/RH se nourrissait aussi beaucoup de la relation Russell Crowe/Al Pacino dans The Insider de Michael Mann. Dans le cinéma français, L’Exercice de l’État de Pierre Schoeller a été une influence : il arrive à créer du cinéma avec un sujet très technique.

Pourquoi critiquer le milieu de l’entreprise en particulier ?
NS : Au moment de l'écriture, les systèmes de management par la terreur étaient dans les entreprises privées et commençaient à venir vers le public avec France Télécom. Aujourd’hui, la Poste et l’hôpital sont des secteurs contaminés. Je ne voulais pas en faire un film d’entreprise et souhaitais élargir la problématique qui est la place du travail dans nos vies, pas le suicide en entreprise.

Traiter ce milieu-là et ses codes ont-ils refroidi des producteurs potentiels ?
NS : Le film parle d'un sujet très difficile et délicat, voire un peu tabou. Ceux qui ont embarqué sur le projet le voulaient vraiment comme la Région Auvergne-Rhône-Alpes et Canal Plus. C’était des soutiens indéfectibles. Ils n’étaient pas nombreux : on sentait que les gens ne voulaient pas se mouiller. On a eu beaucoup de mal à trouver des entreprises qui acceptent qu’on filme dans leurs locaux. Au début, j’aurais aimé pouvoir tourner dans de vrais bureaux en Auvergne-Rhône-Alpes. Mais à chaque fois qu’on a eu des touches avec des entreprises, ça coinçait sur le sujet. On a été obligés de travailler sur un plateau nu pour ensuite créer un bureau de toutes pièces.

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