"Le Sommet" de Christoph Marthaler : flipper là-haut sur la colline
Théâtre / Dans un immense refuge planté sur le toit d'une montagne, un petit groupe d'êtres humains s'apprivoise. Avec "Le Sommet" présenté au TNP, le Suisse Christoph Marthaler analyse à sa façon notre monde contemporain devenu fou. Et désarçonne le public.

Photo : Mathias Horn
Des spectatrices et spectateurs debout au moment des saluts ; d'autres circonspects mais qui sont tout de même restés jusqu'au bout de ces presque deux heures de théâtre - alors que quelques-uns se sont discrètement éclipsés pendant la représentation. Dehors, un homme crie au génie à côté d'une jeune fille qui demande à une dame plus âgée si c'est toujours pareil avec ce metteur en scène et, devant la réponse affirmative, questionne le masochisme de celles et ceux qui l'entourent.
Le théâtre du Suisse Christoph Marthaler, 74 ans, divise à chaque fois, et ce n'est pas sa dernière pièce Le Sommet, créée au printemps à Lausanne, qui prouvera le contraire. « Ses mises en scène, pour lesquelles il a reçu de nombreux prix internationaux, jouent d'un décalage continu en croisant lenteur, ironie et langues européennes, dans une démarche qui doit autant au mouvement dada qu'à la musique et au chant » résume le Festival d'Avignon, qui l'a programmé cet été.
C'est pour la petite bourgeoisie...
C'est une maison en bois adossée à la montagne. On y vient en monte-charge, on ne frappe pas, ceux qui vivent là ont jeté la clé. Si tant est qu'ils l'aient eue un jour, ces cinq êtres humains classieux et leur jeune hôte se retrouvent enfermés dans un espace immense et froid aux airs de refuge. Dans leurs bouches, peu de mots ; quand il y en a, ils viennent parfois de grands noms tels que Pasolini, Olivier Cadiot, Christophe Tarkos...
Qui sont-ils ? Aucune idée. En tout cas, ils parlent des langues différentes - ici du français, là de l'allemand, de l'italien ou encore de l'anglais. Pas très pratique pour se comprendre, surtout que ces trois femmes et trois hommes vont devoir cohabiter pendant les 15 à 18 prochaines années annonce une voix dans un mégaphone. Tout est en place pour une série de séquences, certaines mélancoliques, d'autres parfaitement absurdes, qui, mises bout à bout, cherchent plus loin que le simple rire.
Car ces antihéros sont à la fois agaçants et misérables, essayant autant de faire sécession tels des riches qui pressentent la fin du monde que de refaire société ensemble malgré leurs réflexes égoïstes. Nombre de métaphores possibles arrivent alors en tête à la vue du spectacle, dont certaines on ne peut plus contemporaines (sur l'écologie, les fractures sociales, la perte de sens...) en ces temps troublés et flippants. Christoph Marthaler, lui, ne donne pas de réponse définitive, laissant, avec ses interprètes remarquablement dirigés qui ont également participé à l'écriture, le public cheminer par ses propres moyens. Ou, comme nous, rester poliment de marbre.
Le Sommet
Du 7 au 12 novembre au TNP (Villeurbanne) ; de 7 à 30€