Les expositions de décembre à Lyon : le visible en tension

Publié Lundi 1 décembre 2025

Sélection / Un choix d'expositions 100% "entrée libre" où les formes hésitent, se fragmentent ou se recomposent à la lisière du réel. En décembre, Lyon propose une constellation d'expositions pour inviter le regard à dévier de ses habitudes : silhouettes surgies de l'ombre, horizons instables, récits déplacés et images tenues au bord de leur propre apparition. Autant d'expériences offertes, où le visible ne cesse d'interroger la pensée.

Photo : Tania Mouraud, NITKEYNZUNMER (no more sun), 2020, bas-relief, peinture sur aluminium, 61 x 67 x 1, 5 cm (œuvre présentée dans l'exposition ''La beauté est partout' jusqu'au 9 janvier 2026 à Manifesta)

Imaginaires singuliers

Gravure / Dans le sanctuaire ombreux voué aux confrontations esthétiques du bas des Pentes, deux mondes se répondent sans jamais se confondre. D'une part, chez Jocelyne Besson Girard, les silhouettes semblent surgir d'un songe ancien : visages voilés d'ombres fines, éclats nacrés, présences qui affleurent comme des reliques baroques. Face à elles, la cohorte de Didier Hamey s'avance depuis les sous-bois : créatures touffues, gardiens d'un territoire où la grâce côtoie l'effroi, presque familiers et pourtant indociles. Ensemble, ils composent une traversée troublante, où la lumière hésite entre rêve et présage.

Jocelyne Besson Girard, Petite lune, E/U, Monotype rehaut crayons de couleurs 60x50cm

Imaginaires singuliers par Jocelyne Besson Girard et Didier Hamey
Jusqu'au 18 décembre 2025 à la galerie Catherine Mainguy (Lyon 1er) ; entrée libre


Entre l'ombre et la lumière : l'infini

Peinture / Circulant dans les espaces de la galerie, le regard se heurte à une fracture lumineuse où le visible hésite à se résoudre. Chaque vague semble rejouer une mémoire profonde, insistante, comme si la surface portait la rumeur de ce qui persiste. L'image ne décrit pas, mais elle expose un passage, une zone de tension où le monde se remet à battre. Chez Bao Vuong la mer n'est pas un décor mais une force qui organise l'expérience du voir : une ligne d'horizon, jamais neutre, agissant comme une balise intérieure. Incandescente.

Vue de l'exposition ''Entre l'ombre et la lumière  l'infini'' par Bao Vuong, Ceysson & Bénétière, 2025 ©Cyrille Cauvet

Entre l'ombre et la lumière : l'infini par Bao Vuong
Jusqu'au 18 décembre 2025 à la galerie Ceysson & Bénétière (Lyon 1er) ; entrée libre


Peinture japonaise

Peinture / Parcourir les œuvres récentes de Hideko Hattori Souchon équivaut à suivre les pas d'une danse élégante et minimaliste, cadencée par la partition même des tableaux. Ces derniers, incarnant des patterns phytomorphes où la différence s'insinue dans la séquence, instaurent un climat de quiétude, afin de permettre la pure errance du regard. Pour un instant, notre œil se confond avec celui de l'artiste, laissant affleurer les germinales promenades avec le grand-père biologiste, source secrète de son inclinaison pour l'observation et la méditation.

Hideko Hattori Souchon, Polyphonie florale, 2024

Peinture japonaise par Hideko Hattori Souchon
Jusqu'au 23 décembre 2025 à la galerie Jean-Louis Mandon (Lyon 2e) ; entrée libre


La beauté est partout

Art contemporain / La beauté suggérée par le titre n'apparaît jamais comme un attribut stable des œuvres présentées à Manifesta par la galerie Claire Gastaud, mais elle naît au contraire du déplacement de notre perception, de cette manière qu'ont les pièces de dérégler puis de réaccorder nos sens. Les œuvres agissent comme des ondes modifiant l'air autour de nous, jouant sur nos souvenirs de lumière ou déplaçant notre propre équilibre. De ce fait, le monde ne devient intense que dans la mesure où notre regard accepte de se reconfigurer : beauté comme opération vivante, plutôt que qualité intrinsèque des choses.

Vladimir Skoda, Galileo-Galilei, 2004, acier inox poli miroir, acier doré 125 x 10 cm - 18 cm

La beauté est partout. Galerie Claire Gastaud
Jusqu'au 9 janvier 2026 à Manifesta (Lyon 1er) ; entrée libre


The good you do will follow you

Peinture / Incarnant une juxtaposition signifiante, les œuvres de Julien Jaca et Wes Lang n'affichent pas une communication immédiate et évidente, optant plutôt pour la clandestinité d'un réseau hypoderme de renvois et sources communes. Sur la surface, le trait, la couleur, la figure, semblent se tenir sur le bord d'un basculement, comme des gestes qui, agissant depuis leur obscurité originaire, questionnent la visibilité. Tout regard gagnant doucement la proximité de ces œuvres se retrouve ainsi happé dans le mouvement naissant du sens, lente intensification du réel.

Vue de l'exposition ''The good you do will follow you'' par Julien Jaca et Wes Lang @Ghislain Mirat

The good you do will follow you par Julien Jaca et Wes Lang
Jusqu'au 10 janvier 2026 à la galerie Masurel (Lyon 2e) ; entrée libre


Songes de Cobalt

Dessin / Les dessins de Jules Berthonnet semblent capter le réel par un angle oblique, là où les formes cessent d'obéir et glissent vers une étrangeté parfaitement assumée. À distance, on croit reconnaître les silhouettes des sculptures modernistes qui ont marqué nos espaces publics. Mais à mesure qu'on s'approche, l'image se déplace, se contredit, s'excède. Les figures se recomposent selon une logique interne débordée, mêlant rigueur du trait et débordement fantasque. De cette friction naît un espace instable où la perception vacille, un dessin imposant des inflexions au regard et déplaçant silencieusement la réalité qu'il prétend saisir.

Jules Berthonnet, Le rêve de Sandy Calder, partie 2, pilot V-ball 1.0mm sur papier brouillon, 2025 ©David Desaleux

Songes de Cobalt par Jules Berthonnet
Jusqu'au 23 janvier 2026 à la galerie Tator (Lyon 7e) ; entrée libre


Le sens (?) de la visite

Installation / Ce qui fait de Kommet un lieu à part, c'est son pouvoir opératoire de raconter des histoires. Une vocation qui s'allie parfaitement avec le projet de l'artiste Elsa Fauconnet, reconfigurant l'espace en antre historial, juxtaposition de bribes d'art rupestre, de ses répliques factices et de narration personnelle. À travers un montage warburgien, le mythe fondateur de l'humanité est interrogé par un regard critique et ironique voué à révoquer la tyrannie du parcours protocolé afin de tisser un nouveau récit fascinant peuplé d'ombres et simulacres.

Vue de l'exposition ''Le sens (?) de la visite'' par Elsa Fauconnet, Kommet, 2025 © Lucas Zambon

Le sens (?) de la visite par Elsa Fauconnet
Jusqu'au 24 janvier 2026 à Kommet (Lyon 7e) ; entrée libre


Rester avec Béatrice Balcou

Art contemporain / Dans l'exposition de Béatrice Balcou, rien ne s'impose car les œuvres semblent dériver depuis un noyau manquant, un vide qui leur donne leur force. Dans Cérémonie sans titre #23, réactivation d'une pièce d'Élodie Seguin, c'est précisément ce qui n'a pas été conservé qui confère sa teneur à l'expérience : une action sans trace, dont la disparition devient la condition même de sa portée. L'invisible sature ainsi l'espace, entre cimaises en bois vides (hommage aux artistes femmes oubliées du Bauhaus), insectes « muséophages », fragments de livres réassemblés, et une vidéo de 69 heures. L'essentiel demeure dans le retrait, là où les gestes sont restitués à leur nécessité.

Béatrice Balcou, Trois jours passés avec 0, 0365 m² de Regendag (1964) de Jef Verheyen, 2025, Vidéo HD, 69 h 51 min

Rester avec Béatrice Balcou
Jusqu'au 24 janvier 2026 à la BF15 (Lyon 2er) ; entrée libre


Les arpents du Paradis

Installation / S'appropriant le quadrant d'exposition au pied de la Tour panoramique conçue par François-Régis Cottin, l'artiste dijonnaise Cécilia Philippe déploie un dispositif à la fois évocateur et immersif. Scandé par la répétition du motif de l'iris, le parcours est un véritable maillage où gouaches, petites sculptures raméiformes et treillis jardiniers suggèrent des liens entre nature et culture, art et philosophie, désir et remémoration. S'il est des jardins où l'on marche comme dans un poème, cette exposition se traverse comme une expérience de méditation et de vie.

Cécilia Philippe, Iris - (parterres-motifs), gouache sur papier fibre de verre, 50x70 cm, 2024

Les arpents du Paradis par Cécilia Philippe
Jusqu'au 7 février 2026 à l'Attrape-couleurs (Lyon 9e) ; entrée libre


Nouvelle intériorité

Photographie / Dans les images et les installations de Dybbroe Møller la vision vacille, prise dans un réseau de signes qui excède toute maîtrise. Les regards surexposés des Retinal Rift, arrachés à leur contexte, fonctionnent comme des seuils : une confrontation où l'intime devient territoire partagé et instable. L'exposition installe une zone où la perception se dédouble, prise entre présence physique, voilage aveuglant et reflet spéculaire. Ce qui surgit n'est ni confession ni spectacle, mais une dérive du sensible, un lieu où la subjectivité se recompose, troublée par ses propres médiations.

Simon Dybbroe Møller, Retinal Rift, tirage photo, 2025. ©Simon Dybbroe Møller

Nouvelle intériorité par Simon Dybbroe Møller
Jusqu'au 14 février 2026 à La salle de bains (Lyon 1er) ; entrée libre