"Prince of Tears" : les pleurs du mâle

Baxter Dury

Épicerie Moderne

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Un classique de la pop que l'album de rupture, de Bob Dylan (Blood on the Tracks) à Peter Gabriel (Us) en passant par Bon Iver (For Emma, forever ago) ou même ABBA (The Visitors). Lequel intervient souvent à cet âge semi-mûr où la rupture se trouve en capacité de vous laisser bien en travers. De rupture, le sémillant Baxter Dury en a connu une qui l'a conduit à écrire dans la douleur Prince of Tears.

Mais comme le Londonien ne fait jamais rien comme tout le monde, il a conçu la chose à sa manière, incorporant quelques éléments biographiques remontés à la surface à cette occasion et suffisamment d'autodérision maison pour appuyer sur la douleur autant que la masquer derrière des personnages de son invention, doppelgängers du chanteur qui sont autant de frères de souffrances que de marionnettes.

C'est ainsi que le désordre et la colère qui l'ont habité au moment de cette rupture s'incarnent, sur ce Miami qui ouvre l'album, dans l'errance d'un type totalement pathétique qui se voit flamboyant quand il n'est qu'une mèche courte. Basse ronde, synthé, guitare funk, spoken word, et voix féminines en guise de chœur antique renversant les points de vue, on reconnaît d'emblée la formule Dury, à ceci près que l'ensemble jouit d'un souffle orchestral retrouvé tout au long de l'album : d'August, récit de ce mois d'août qui l'a plongé dans l'abîme des cœurs brisés, au sublime Prince of Tears qui clôt l'album sur ces mots : « Prince of tears don't leave me like this laughing at you » qui résument bien la note d'intention d'un Dury accablé mais en grande forme. Et qui confirmeraient que le rire est bien, comme on le dit souvent, la politesse du désespoir.

Lui soumettant l'idée pour avis lors de l'entretien à lire ici, les conditions sonores et l'accent sans doute un peu déplorable du journaliste, font qu'après un embarrassant dialogue de sourd, le chanteur substitue le mot « lobster » (homard) au mot « laughter » (rire), ce qui oblige à passer à autre chose devant l'ampleur de l'échec.

Mais réflexion faite, dans le monde un peu absurde de Baxter Dury, celui qui au Sex & Drugs & Rock'n'Roll de son père Ian répond « fromage, cinéma et magasin pour chiens », celui qui chante qu'il est « Morgan Freeman », « Mister Maserati », « l'oie urbaine » ou « une rivière de poissons », on ne jurerait pas que la politesse du désespoir ne peut pas être incarnée par un homard. La rupture, toujours, mais souvent de ton.

Baxter Dury, Prince of Tears (PIAS)

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