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Photo : © NP
Vaucluse / Fermez les yeux, tentez d’oublier ce froid crispant, imaginez un endroit où à 21h, il est encore possible de sortir et où se déroule un festival… Uchronie ? Pas tant que ça. Avignon s’apprête à vivre un succédané de festivités théâtrales. Allons voir si on y danse encore.
Premièrement, il va vous falloir bien observer les trajets en train et éviter d’attraper un TGV qui vous laissera poireauter jusqu’à 49 minutes (!) en gare d’Avignon TGV avant de monter cinq minutes dans un TER pour rejoindre le centre (ou le bus n°10, plus fréquent, mais plus long). Le TER sans changement entre Lyon et la Cité des Papes, c’est 2h20 : le temps de regarder le sud s’approcher pour 36, 20€.
Ensuite, se faire à l’idée que la ville n’est pas la même en juillet que le reste du temps : 91 000 habitants à l’année, six fois plus pendant le festival. Enfin, quitter jupette et sandales pour s’apercevoir avec effroi que oui, même en PACA, il fait froid l’automne.
Mais diantre, puisque la culture résiste, que Roselyne Bachelot a élu domicile dans cette ville pour des États Généraux des Festivals début octobre, Avignon n’a pas dit son dernier mot pour 2020. Une Semaine d’art, du 23 au 31 octobre, se tiendra en lieux fermés et chauffés (voir ci-dessous) et le Palais des Papes, aussi copieux à visiter que le célèbre pont est rapide, sont ouverts. Redécouverte.
Le Palais des Papes
Même lorsque sa cour est garnie des gradins accueillant 2000 festivaliers chaque soir, les portes de ce palais restent ouvertes pour des touristes — Européens et Américains en tête — qui se massent là où le pape français Clément V élit sa terre en 1309 pour préparer un concile, puisque l’Italie était déchirée par des luttes intestines. Sept papes y séjournèrent jusqu’au début du XVe. Les remparts tels que nous les connaissons ont été édifiés à cette époque. Le palais épiscopal ? Benoit XII l’a fait détruire pour y construire ce Palais Vieux auquel s’est ajouté le Palais Neuf qui a permis, en se refermant sur le Vieux, de laisser place à cette grande cour, dite "d’honneur". Dressé en moins de vingt ans, cet édifice, le plus grand en style gothique de l’Occident chrétien, est dû aux architectes français Pierre Peysson et Jean de Louvres, dit de Loubière.
Il faut imaginer que sur cette place où les spectacles de rues se donnent l’été, il y avait maisons, jardins, vergers et potager. Au-dedans c’est un labyrinthe qui mène par exemple au splendide et majestueux tinel, cette salle des festins, vaisseau de 48 mètres de long où cinq services de quatre plats se succédaient quotidiennement… Un restaurant clandestin avant l’heure ? Tout près de là, toujours au premier étage, se trouvent les pièces phares de ce palais tant leurs ornements ont résisté à l’épreuve du temps. Ainsi la Chambre du parement, où le pape venait déguster fruits confits et dragées seul ou lors d’audiences privées, est couverte de tommettes ocres qui, plus loin, dans la chambre du pape revêtent des couleurs turquoise, émeraude ou rouille. Les murs peints de natures mortes sont éblouissants. Le Palais Neuf, extension des appartements, est lui aussi très richement décoré par une équipe franco-italienne en 1343. Longtemps cachés, ces dessins ont été retrouvés lors de l’évacuation de la caserne en 1906. Car ce Palais des Papes, après son rôle pontifical, fut le lieu des légats italiens jusqu’à que ce territoire soit rattaché à la France en 1791. Dès lors le palais devenu fort abrita une prison dédiée aux adversaires du parti révolutionnaire avant enfin de réchapper à la démolition pour devenir un bâtiment militaire au début du XIXe. Début XXe, la Ville en reprit logiquement la jouissance.
Tarifs : 10€/12€
Le Pont
L’idée du pâtre Bénezet était de relier Avignon à Villeneuve et d’en faire la seule jonction au-dessus du Rhône entre Lyon et la Méditerranée (!) mais son pont du XIIe siècle fut maintes fois brisé par les crues jusqu’à être abandonné. À défaut de rejoindre l’autre rive, c’est un amusement de s’avancer sur l’eau et de jeter un œil à la chapelle nichée sur l’un des piliers en chantonnant cet air du XVe siècle panthéonisé par l’opéra comique d’Adolphe Adam Le Sourd ou l'Auberge pleine (1853).
Tarifs : 4€/5€
La Chartreuse
S’il n’y a plus de pont, il reste les bus ou même ses jambes (3/4 d’heure depuis le Palais des papes) pour rejoindre Villeneuve-lès-Avignon, quitter le Vaucluse pour entrer dans le Gard. Là, trône cette chartreuse, d’une superficie double au palais avignonnais, due au cardinal Étienne Aubert qui, devenu le pape Innocent VI en 1352, donna à l’ordre des Chartreux ses terres et son hôtel particuliers. Adossée au fort, cette construction impressionnante abrite aujourd’hui des spectacles et toute l’année le Centre National des écritures du spectacle.
Tarifs : 6, 50€ / 8€
Bellorini, hors Cour
Faute d’édition 2020 pourtant annoncée lors d’une conférence de presse lunaire d’Olivier Py en avril dernier, le festival d’Avignon se transforme en une Semaine d’art — ce que ce rendez-vous fut à son origine en 1947 quand Jean Vilar l’imagina. Du 23 au 31 octobre, pas en plein air mais dans les salles à disposition (chapelle des Pénitents blancs, FabricA…), sept spectacles ont été sauvegardé de l’été. Parmi eux, Le Jeu des ombres du néo-Villeurbannais Jean Bellorini qui aurait dû avoir les honneurs de la Cour. Cette variation sur l’Orfeo de Monteverdi mis en mots par Valère Novarina sera au TNP en janvier. Autre figure de nos contrées à créer dans la Cité des Papes : Gwenael Morin pour un itinérant Andromaque à l’infini. Enfin, le Raoul Collectif fera étape ici avant d’être au Théâtre de la Croix-Rousse au printemps avec son intriguant Une cérémonie.
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