À la Croix-Rousse, la boucherie Tête Bech fait peau neuve

Boucherie / Dans le dernier tronçon de l’ascension de la Croix-Rousse, on trouve ce qui serait la plus vieille boucherie de Lyon : Tête Bech. Elle a pris un coup de jeune cet été. 

Elle aurait plus de 120 ans d’âge et reste contemporaine. Elle a intégré l’idée que la bidoche est, dans le nouveau siècle, sujette à polémique. Avant les travaux, qui l’ont vue cet été faire peau neuve, la devanture de Tête Bech annonçait déjà : « vous n’êtes pas obligés de manger de la viande ! » — si vous le faites, faites-le bien, pour résumer. Il paraît que la consommation de produits carnés a baissé de 13% en France ces dix dernières années, selon une étude du Credoc — ce qui est beaucoup. On peut toujours accuser une idéologie pro-tofu, ça évite de regarder les faits. D’un côté les scandales sanitaires (remember le cheval-gate), la hausse des affections liées à une mauvaise alimentation, la honte des abattoirs, le poids de l’élevage dans la pollution, de l’eau comme de l’air. Et de l’autre cette nouvelle donne : « les 18-24 ans consomment désormais, dans 42% des situations, la viande dans des plats industriels. » Pas sûr que le quinoa soit le plus grand adversaire des éleveurs.

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Revenons à nos moutons. Durant sa longue existence, la boucherie fut quatre décennies tenue par la famille Reinier. Il y a cinq ans ils ont choisi Gilles De Bechevel pour successeur. Le jeune homme, 26 ans alors (dont dix de boucherie) fut rejoint par deux associés, des reconvertis. D’abord Cyrielle, et puis Thomas, qui délaissa la cravate de banquier pour celle de boucher. On l’a rencontré là-haut, lui et son franc parler, aux côté d’Alexandre, gérant de l’échoppe désormais flambant neuve. Neuve, pas clinquante. La tendance va vers une plus grande distinction entre le tout venant (l’industriel) et la qualité (érigée en luxe). C’est ce que l’on cherche à éviter ici : « la viande est déjà un produit coûteux, pas besoin donc de lui donner un écrin. Nous on ne souhaite pas faire du luxe. C’est le contraire ! Ce sont ceux qui sont attirés par le pognon qui font de la viande un produit au rabais. » La viande discount a un coût caché : « c’est une viande gorgée d’eau, bourrée d’antibiotiques. On la paie avec l’assurance maladie, et la Terre qu’il faudra réparer [NdlR : à titre d’exemple, les émissions de gaz à effet de serre peuvent varier, pour l’élevage bovin, du simple au quintuple selon les méthodes de production]. »

Produire de manière artisanale des gendarmes

L’idée première chez Tête Bech c’est de valoriser le travail d’une poignée d'éleveurs, avec lesquels ils avancent de concert. Ainsi le domaine Coiffard, en Sud-Vienne. « Ils élevaient des Limousines. On était réticents, car c’est une race appréciée pour sa rentabilité : on peut l’abattre jeune, avoir une viande tendre et maigre et la mettre en vente rapidement. Mais eux font différemment. Ils élèvent leurs bêtes bien au-delà des 30 mois, leur laissent avoir plusieurs veaux, les nourrissent avec leur propre fourrage bio. » C’est avec les Coiffard, encore, que la boucherie a imaginé un croisement entre la fameuse wagyu et la black angus, une race écossaise.

Dans le même ordre d’idée, toujours représenté chez Tête Bech, le domaine De Bellecour a implanté en pleine terre charolaise de photogéniques Highlands, élevées exclusivement en plein air et de manière presque autonome. Alexandre et les autres peuvent aussi parler longuement des porcs bio du domaine du Carré Vert dans l’Ain, ou des volailles de Bresse de Monsieur Vuillot. Thomas d’appuyer : « on ne fait que 10% du travail, il faut mettre à l’honneur ce que font ces gens avec leurs animaux, leur terroir. » Reste encore à expliquer la démarche : « on achète que des bêtes entières, donc je ne peux pas avoir dix onglets le samedi matin. Il n’y en a que deux par bête. Du coup, je dois échanger sur ce que le client aime, et le guider vers autre chose. »

Tête Bech, enfin, est charcutier. Et possède depuis deux saisons sa propre cave. « Ce n’est pas encore la saison, il fait chaud, mais on est impatient de retravailler ça » et de produire de nouveau, de manière artisanale, des coppa ou de la cecina, des saucissons et des gendarmes.

Boucherie Tête Bech
9 rue des Pierres Plantées, Lyon 1er

Fermé dimanche et lundi

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