Théâtre / À 83 ans, avec sa troupe du Théâtre du Soleil, Ariane Mnouchkine est toujours la figure tutélaire d'un théâtre français ouvert sur le monde. 36 comédiens donneront quinze représentations au TNP. C'est déjà complet, mais chaque soir seront constituées des listes d'attente...
Retour au Japon. Alors que le pays est fermé depuis deux ans au touristes, Ariane Mnouchkine le rapproche de nous. C'est là-bas qu'en 1963, « désespérée et sous la flotte incessante », en entrant dans une petite salle « de ce qui ne pouvait être qu'un théâtre, minuscule », elle subit un choc en voyant un acteur : « je ne comprenais rien mais voyais tout (...) Ce jour-là, pour la jeune voyageuse ignorante que j'étais, dans cette misérable petite salle de rien du tout à Asakusa, grâce à un humble acteur japonais, il n'y avait plus ni Japon ni Occident. Il y avait le Théâtre. Universel. Humain et grandiose » dira-t-elle en 2019 lorsque lui est remis le Kyoto Prize.
Elle nourrira alors ses créations à venir (Richard II, Henri IV dans les années 80 puis Tambours sur la digue en 1999) de traditions théâtrales japonaises. Tout comme son voyage au Cambodge donnera naissance à L'Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk dont une deuxième version, merveilleuse, avec de jeunes Khmers a été donnée à Lyon lors des éditions 2011 et 2013 du festival Sens interdits. Georges Bigot, membre historique de la Troupe, incarnait Sihanouk dans la première mouture, mettait en scène les mômes dans la seconde et sera encore au plateau au TNP ces jours-ci.
Soleil-Levant
Avec L'Île d'or, Ariane Mnouchkine et ses acolytes indissociables (Jean-Jacques Lemêtre, Hélène Cixous...) reviennent sur cet archipel, au XIVe siècle, sur une terre utopique où se sont réfugiés des artistes en exil. Et métaphoriquement sur leur capacité à transcender les discordances du monde puisque se trouvent ici réunis diverses nationalités et de multiples langues : chinois, japonais, hindi, persan d'Afghanistan, arabe, hébreu, russe...
Tout récemment encore, elle prenait publiquement la parole dans une tribune parue dans Télérama au lendemain du déclenchement de la guerre en Ukraine : « Nous [artistes] devrions écrire des pétitions, des protestations. Nous devrions défiler avec des pancartes jetant l'opprobre sur nos dirigeants trop timorés pour les sommer à leur tour de prendre leurs responsabilités et de trouver des sanctions qui, en quelques mois, écraseraient l'économie russe... Sans, surtout, ébranler la nôtre. Sans surtout nous demander aucun sacrifice. Ni sur l'essence, ni sur le pain, ni sur le gaz. (...) Bref, on nous demande une solidarité posturale. On nous demande du vent. Que nous ne voulions pas mourir pour Kiev, soit, mais, pour Kiev, nous les artistes, accepterons-nous au moins de nous geler les fesses ? ».
L'Île d'or
Au TNP du jeudi 9 au dimanche 26 juin