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Penone redonne vie au Corbusier

Penone redonne vie au Corbusier

Art contemporain / Après Anish Kapoor, Anselm Kiefer et d'autres, le couvent de la Tourette accueille  Giuseppe Penone. Avec beaucoup de délicatesse, l'artiste italien laisse ses œuvres s'ouvrir à la spiritualité du lieu, tout en suggérant une nouvelle dimension à l'architecture du Corbusier : celle de la chair, de la peau, du vivant.

Le travail de Giuseppe Penone est affaire de traces, de métamorphoses, de transferts entre les "règnes" : végétal, minéral, humain... Etonnamment contemporaine, son œuvre explore notamment les liens entre la nature et l'humain, tentant de les réconcilier, du moins de les faire vibrer ensemble : comment le corps de l'artiste laisse-t-il des traces dans un arbre et vice-versa ? ; comment retrouver dans une poutre de construction l'arbre qu'elle fût ? ; comment une forêt entière peut-elle se frotter à de grandes feuilles de papier pour y laisser son image... ? Dans un entretien du catalogue avec le frère Marc Chauveau (commissaire de l'exposition à la Tourette), Penone revient sur ses premiers pas : « Mon travail consiste à observer la matière et à révéler les formes des matériaux. C'est une indication de la forme. Dans les premières œuvres que j'ai faites, c'était un rapport direct de mon corps avec les arbres et avec la croissance des arbres. J'associais mon corps et mon existence à une autre existence qui était celle de l'arbre, celle d'une pierre ou celle d'un autre élément, en pensant qu'ils avaient la même valeur, seulement une forme de vie différente. » Depuis ses premières œuvres, Penone suit une esthétique et une éthique de la discrétion qui se traduit par des gestes simples, des formes épurées, l'accueil des choses. Un art du vivant, un art vivant.

Le défi du Corbu

Au couvent de la Tourette conçu par Le Corbusier, Penone a été d'emblée confronté à une difficulté : lui qui loue les relations et les respirations entre la nature et l'homme s'est retrouvé face à un bâtiment replié sur lui-même, construit certes en pleine campagne, mais privilégiant le recueillement, la méditation, l'intériorité. « On voit le paysage par le couvent, mais on ne rentre pas dans la nature. Le couvent est comme un corps fermé sur lui-même qui voit à l'extérieur mais dont toute la vie se déroule à l'intérieur » dit encore Penone à Marc Chauveau. 

Acceptant ce défi, Penone présente ici des œuvres anciennes qui peuvent ici prendre une signification imprévue, échappant aux intentions initiales de l'artiste tel, par exemple, ce bloc de marbre évidé placé sous un crucifix dans l'oratoire. L'image d'un tombeau vide apparaît alors dans cette nouvelle mise en espace. Tout comme les nouvelles connotations possibles d'une poutre sculptée placée dans l'église de la Tourette, et qui peut faire penser, par exemple, à la croix de la crucifixion... 

Révéler la chair du couvent

En plus de ces travaux anciens que l'on prend plaisir à redécouvrir dans un nouveau contexte, Penone a créé plusieurs œuvres à l'occasion de son exposition. Notamment, une série de « frottages » en couleurs (d'après le nuancier du Corbusier) issus du frottement du papier contre le béton brut des murs du bâtiment, cette peau très granuleuse des lieux. « Dans l'exposition au couvent, on aura des œuvres en marbre aussi bien au sol que sur les murs travaillés, comme une matière vivante, de la chair. L'idée de vouloir révéler quelque chose qui est dans la matière, qui est dans le lieu, m'a conduit de la même manière à réfléchir à l'architecture comme à un bois sacré, une forme existante, mais cachée, que j'ai essayé d'indiquer avec la technique du frottage. » Pour relever le défi initial du bâtiment, Penone s'est peu à peu imaginé le Couvent comme une sorte d'arbre ou de forêt, aussi matérielle que spirituelle, dont ses œuvres soulignent-révèlent la vie intrinsèque, la respiration, la capacité de communication. 

Giuseppe Penone au Couvent de la Tourette (Eveux), jusqu'au 24 décembre. Dans le cadre de la Biennale d'art contemporain

Bio express

1947 : Naissance en Italie

Années 1970 : Figure importante de l'art contemporain italien, il est souvent rattaché au courant de l'Arte povera (« art pauvre »)

1997-2012 : Enseignant à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris

2004 : Rétrospective au Centre Pompidou à Paris

2007 : Représente l'Italie à la Biennale de Venise

2022 : Expositions au Couvent de la Tourette et au Musée de Grenoble (dans le cadre de l'expo « De la nature » du 22 octobre 2022 au 19 mars 2023)

 

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