Avec la Basse-cour, le Nid de Poule fait son festival à l'Amphi des 3 Gaules

Canoan et le roi vomiir

Amphithéâtre des Trois-Gaules

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Arts de la rue / Dédiée aux arts de la rue, la structure du Nid de Poule a intégré le dispositif des Scènes découvertes l’an dernier. Et poursuit vaillamment son occupation de l’amphithéâtre des Trois Gaules, où sera installée la quatrième édition du festival de la Basse-cour du 27 avril au 21 juin. Rencontre avec les fondateurs de cette couveuse : Marion Viquesnel et Joseph Elbaz. 

Avant-même ce festival, vous aviez ouvert, en 2017, un théâtre : Le Nid de Poule, rue Royale, déjà dans le 1er arrondissement. Comment en étiez-vous arrivé là ?
Joseph Elbaz : On est arrivé rue Royale car on cherchait des locaux pour l’association Le Clap, qui existe encore. On voulait installer nos bureaux et une salle de répétitions. Finalement, on n’a pas réussi à aboutir avec la régie des locaux qu’on avait trouvé, initialement rue Imbert-Colomès, et le projet s’est autonomisé car Le Clap a trouvé des locaux par ailleurs et l’équipe qui avait planché sur ceux de la rue Imbert-Colomès a continué à travailler et à exister, s’est pas mal transformée. Il y a eu deux ou trois ans de recherche de local, d’affinage du projet jusqu’à la rencontre d’un agent immobilier qui nous présente le théâtre de l’Étoile Toyale qui fermait, et une possibilité de reprise.

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Quel était votre désir dans ce théâtre rue Royale ?
Marion Viquesnel : Faire de la diffusion de théâtre et de musique car à l’origine, nous étions avec une troisième personne, portée sur la programmation musicale. On s’est rendu compte, en étant spectateur et spectatrice d’Aurillac, Chalon dans la Rue, qu’on essayait plutôt de programmer des compagnies de rue à venir jouer en salle leurs petites formes. Mais la scène était de cinq mètres sur quatre mètres, donc les compagnies de rue étaient à l’étroit. Dès 2017, on s’est dit qu’il serait intéressant, quand il commence à faire beau et que c’est moins sympa de s’enfermer au théâtre, d’organiser un festival de théâtre de rue à Lyon. On a choisi cet amphithéâtre car le lieu est super beau et comme on était installé dans le 1er arrondissement, ça avait du sens.

C’était une forteresse imprenable

Ce lieu a quasiment toujours été fermé au public. Est-ce qu’il vous est apparu comme une forteresse imprenable ?
Joseph : C’était une forteresse imprenable. Et il y avait beaucoup d’inconvénients. Pas de distribution d’eau ou d’électricité, une petite jauge car seule une issue de secours sur les deux était ouverte, donc il n’y avait que 100 places possible dans un amphithéâtre de 40 mètres de diamètre, vraiment très grand. Il a fallu pas mal discuter et échanger avec la mairie de la mandature précédente, d’autant que ce lieu est un peu sanctuarisé par son histoire chrétienne. La seconde issue de secours a été ouverte en 2022. La jauge est de 500 personnes désormais. Mais nous accueillons 250 à 300 spectateurs, c’est notre capacité en termes d’équipe, de caravanes (deux), de la forme de la scène, la place de la cuisine. Si la jauge est trop élevée on ne peut plus servir les gens, les toilettes (chimiques car on a fait l’expérience des toilettes sèches en plein soleil, ce n’est pas tenable) ne sont pas dimensionnées pour ça. Au-delà, on change d’échelle, c’est une autre organisation, une autre façon de penser le festival.

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On a rencontré un écho favorable à la manière dont on travaillait et aux arts de la rue. On a pu travailler sur le long terme et moins au coup par coup. Aujourd’hui encore, ça demande un accord politique pour chaque édition entre nous, la mairie centrale et la mairie du 1er.

Marion : On a été bien soutenu par les équipes de la Ville, celle de l’OTEP (occupation temporaire de l’espace public), de l’eau, l’éclairage urbain. Il y a toujours eu un vrai soutien, notamment pour qu’on puisse monter l’édition 2021 malgré le contexte Covid.

Joseph : Si ça a pu se tenir en 2021 et si ça a pu se reproduire, c’est grâce à toutes les équipes municipales, tous les services techniques et des affaires culturelles qui se sont vraiment mobilisés pour que les dossiers puissent aboutir malgré le contexte, trouver des compromis avec ce qui était édicté en terme de décret, de réouverture. Le service de la direction des affaires culturelles de Lyon, qui nous suit depuis le début, est vraiment une ressource très précieuse. On n’aurait jamais pu ouvrir sans leur soutien en 2021.

Ce festival est né en juillet-août. Pourquoi a-t-il été avancé dans le temps ?
Marion : Pour des raisons de chaleur. On a commencé par la Fête de la Musique au début. Là ça se clôt le 21 juin. L’idée est de garder deux mois d’ouverture. Mai et juin sont des mois pertinents, ne serait-ce qu’en terme de disponibilité de nos équipes et des équipes artistiques qui ensuite vont à Chalon, Avignon, Aurillac.

Êtes-vous un lieu repéré par les professionnels des arts de la rue et de ces gros festivals précités ?
Marion : Sara Monard nous a rejoint pour cela. Sa mission est de formaliser tous les liens tissés avec les différents réseaux de production et de diffusion des arts de la rue. Au début du Nid de Poule, on s’est inscrit dans les réseaux de diffusion et de création par nécessité, car il fallait qu’on apprenne et ça s’est transformé. Quand on a compris quelle était notre place dans l’écosystème du spectacle vivant — à l’endroit de l’émergence — on s’est rendu compte qu’il fallait qu’on travaille dans ce réseau-là et c’est à l’avantage des plus grosses structures. On a un partenariat avec les Ateliers Frappaz qui programment un spectacle dans le festival depuis 2021. Pour eux, c’est intéressant de soutenir l’’émergence, c’est dans leurs missions de CNAREP et ça nous permet de faite venir des professionnels et des structures plus grosses que nous, qui financent la production et la diffusion auprès des compagnies qui cherchent ça. Donc il y a un intérêt mutuel et partagé. Les partenariats se mettent en place assez facilement et les professionnels sont attentifs à notre programmation pour repérer de nouvelles équipes.

On va en festival

Et comment repérez-vous les spectacles proposés dans le festival ?
Marion : On va en festival. Cette année il y a deux spectacles qu’on a vu à Aurillac (dont Canoan contre le roi Vomiir de Spectralex le 10 mai, le spectacle qui nous a fait aimer les arts de la rue) et un à Chalon (Trou de Mathilde Paillette, les 2 et 3 mai, un concert conté sur une femme victime de viol). On va voir aussi sur des sorties de résidence, à Tout l’monde dehors, sur le lieu du Plateau à Romans-sur-Isère…

Joseph : Et puis on accueille des compagnies dans notre lieu, à Gerland, et elles font aussi des sorties de résidence ; on peut suivre leur travail.

Depuis octobre, vous êtes installés dans de grands locaux le long de la ligne de tramway T6, après les usines Fagor-Brandt dans le 7e. C’est une des conséquences du fait d’être entré dans le dispositif des Scènes découvertes l’an dernier. Qu’est-ce que cela a changé d’autre ? Quels sont vos financements ?
Marion : Nous recevons annuellement 75 000€ de la Ville (convention pour 3 saisons), 15 000€ de la DRAC et la Région en 2022 a versé 12 500€, nous sommes en attente de leur réponse pour 2023. Ça nous a permis de développer la Basse-cour mais c’est surtout orienté sur la création d’un lieu de résidence (le local), le recrutement de deux personnes en CDI temps plein : Sara Monard, chargée de production et Violette Portier sur les actions culturelles, car il y a un vrai besoin de médiation avec les publics et les habitants d’autant plus que nos activités se déroulent sur l’espace public. À Debourg, nous avons un studio de 40 m² et surtout des espaces extérieurs, 300 m², qui permettent d’accueillir des compagnies. On peut aussi centraliser tous nos équipements techniques qui sont pas mal utilisés par d’autres structures toute l’année.

Vous louez ? Prêtez ?
Joseph : On loue ; la subvention nous le permet. On nous a beaucoup prêté à nos débuts. C’est au bénéfice de tout le monde.

Marion : On a 150 chaises, des tables, des gradins. On a tout pour faire un évènement extérieur autonome.

Comment définir votre programmation au festival ?
Marion : Du théâtre émergent, donc des textes ou des artistes souvent très peu connus dans différents genres : théâtre, revue d’actualité, clown mais pas de jeune public. On a essayé en 2019 mais comme il faut jouer en après-midi, il fait trop chaud. Même à l’ombre ce n’est pas soutenable pour les enfants ou les artistes, limite dangereux.

Joseph : Il y a aussi des dimanches solidaires par le Collectif soutien/migrants Croix-Rousse et le collectif Parents école des Tables, hors programmation. Quand on occupe l’amphi pendant deux mois, tout le monde le voit et on n’avait pas envie de polariser le lieu. C’est très important de permettre l’occupation du lieu pendant la nôtre et de prêter nos installations le temps qu’on y est. Le rapport de force est en notre faveur, il est important de le désamorcer, de ne pas éclipser des programmations plus légères, au contraire on doit les servir. C’est un devoir moral.

Marion : il y a aussi des événements avant nous (une yourte par l'association l'Ornithorynque début avril) et après nous, pour mutualiser nos installations. Fin juin, le Kraspek et À Thou bout d’chant occupent le site un week-end puis l’association U-Gomina (en juillet) sera là une semaine.

C’est notre moment de diffusion artistique

Et puis il y a un bar…
Marion : Oui mais c’est rare que les gens ne viennent que pour ça. Car on demande aux gens de libérer la terrasse pendant le spectacle. Ça a bien été intégré. Nos spectacles durent entre 45 min et 1h20, c’est gratuit, ils peuvent partir à tout moment. En général, les gens restent au spectacle. Le demi est à 3€, la pinte à 6€, il y a des frites, des offres de tartines et de gaufres salées et sucrées ; les produits sont bio, en circuit court et végétariens. On travaille avec la Loupiote en bière.

Joseph : On n’a pas de redevance foncière contrairement aux bars alentour, on ne loue pas l’espace donc c’est logique que ce soit moins cher. On a une licence temporaire de débit de boisson qui permet de servir de l’alcool, jusqu’à 18°, en complément de quelque chose à manger comme dans tous les événements extérieurs.

Comment vous projetez-vous dans l’avenir de ce festival ?
Marion : C’est un des projets principaux de la structure du Nid de poule. C’est notre moment de diffusion artistique. Nous n’avons pas le projet de changer. On a trouvé une forme qui se tient plutôt bien. Des compagnies font même des séries de deux ou trois dates.

Joseph : Le Nid de Poule tient sur ses deux jambes : la diffusion à la Basse-cour et l’accueil en résidence. Ça ressemble à ce qu’on souhaitait avec les contraintes existantes. Les contraintes ne vont pas changer radicalement donc on a trouvé l’équilibre.

Festival La Basse-cour du jeudi 27 avril au mercredi 21 juin
À L’Amphithéâtre des Trois-Gaules, Lyon 1er

Ouverture du site du mardi au samedi de 18h30 à 23h, spectacles à 20h (sauf exception à 21h)


Le programme

Du 27 au 29 avril : Les 12 Travelos d’Hercule. Chansons et numéros par la compagnie du même nom. Show drag queen et joie avec les personnages Catherine de Baise-en-ville et Jackie Fuego.

2 et 3 mai : Trou. Mathilde Paillette, dans un concert conté, raconte comment sa chatte s’est faite écrasée. Où il est question de viol.

4, 5 et 6 mai : 9m² de banquise par Benjamin Groetzinger. Voyage imaginaire déjà présenté aux Clochards Célestes. Accessible aux grands et aussi dès 7 ans.

9 mai : La Revue. L’actualité de la semaine en 20 sujets vus sous l’angle burlesque. Par la compagnie La Grenade.

10 mai : Canoan contre le roi Vomir. C’est le spectacle qui a fait aimer les arts de la rue à Marion Visquenel et Joseph Elbaz qui l’ont vu quatre fois en quatre soirs quand ils l’ont découvert. Ce travail sur la mythologie d’Arnaud Aymard est un habitué d’Aurillac et de Chalon.

11, 12 et 13 mai : Mourir dur. Attention, sujet sensible sur la pédophilie d’après Les 120 journées de Sodome de Sade. Cabaret, théâtre, chant et show drag par la compagnie La Derbière baleine et Pierre Maillet sur scène ! Dès 16 ans. Et programmé à 21h.

16 et 17 mai : L’Edito. Revue d’actualité éditorialisée par Anouk Darne-Tanguille dont le spectacle 72 au Nid de Poule nous avait déjà séduits.

18, 19 et 20 mai : Mi amor. Spectacle plus léger que d’autres précédemment cité sur un couple qui questionne son couple. Mis en scène par le Lyonnais Arthur Blondeau.

23 et 24 mai : Danser dans mon petit salon sans me poser de questions. Solo de Maxime Potard sur la virilité, en préfiguration d’un spectacle ultérieur, plus ample.

25, 26 et 27 mai : Moins de marbre que de béton. Théâtre, guitare et batterie par le Studio d’action théâtrale, compagnie lyonnaise. Une femme dans un bar se fait emmerder par des gens…

30 et 31 mai : L’Inhabitante. Étape de travail dans le cadre du festival En acte(s) / les Contemporaines sur la gentrification du quartier Confluence-Perrache.

 

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