Portrait / Pour la première fois Vanessa Amaral met en scène son propre texte, "Pratique de la ceinture, ô ventre" dont la maquette avait été lauréat du prix Incandescences 2023. Elle aborde autant la pathologie qui la concerne que l'univers et les moyens dédiés aux soins.
Lorsqu'on a découvert le travail de Vanessa Amaral, en 2019, lors de la présentation de la pièce de Solenn Denis, Narmol, en 2019, il y avait déjà un solide sens du plateau soutenu par un jeu très physique et rageur des interprètes. Une découverte dans le cadre de ce qui était encore le Prix Célest'1, et qui est devenu, en 2021, Incandescences où le TNP a rejoint les Célestins dans ce "dispositif concours" consacré aux jeunes compagnies régionales. Vanessa Amaral est de cette distribution-là. Cependant, c'est par le versant du jeu qu'elle s'est formée au théâtre au Conservatoire régional de Rouen, dans sa Normandie natale, puis via le groupement d'employeurs pour l'insertion et la qualification, GEIQ-théâtre de Lyon de 2016 à 2018.
« Très vite, la question de l'écriture s'est posée », nous dit-elle. La découverte de sa pathologie d'un fibrome (tumeur) utérin l'a poussée dans cette direction sans pour autant faire de chacun de ses textes une autobiographie. « C'est pas toute ma life », précise-t-elle, citant d'autres artistes qui ont évoqué cette pathologie invisible dans leur travail, comme la documentariste sociologue Amandine Gay dans son ouvrage Une poupée en chocolat.
C'est pourtant la maladie qui est au cœur de la fiction de Vanessa Amaral, qui porte sur la relation soignant-soignée et ne se contente pas d'un solo, mais convie quatre autres acteurs et actrices à endosser de très nombreux rôles (gynécologue, infirmière, autres patients, la fratrie, la mère ou l'amie d'enfance).
Elle, joue exclusivement Amina, une aide-soignante de 35 ans à son tour hospitalisée. Dans cette ronde constituée d'accumulations de petites scènes, elle souhaite aussi mettre au jour les dysfonctionnements du milieu hospitalier qu'elle connait pour avoir mené, en parallèle du conservatoire, des études de psychologie et avoir exercé son métier de neuro-psy (délaissé au profit du théâtre désormais) en hôpital et en milieu gériatrique dans le domaine de la santé mentale : « J'ai vu les réductions d'effectifs et comment les soignants deviennent des exécutants à la chaîne ».
Le ventre, la violence
Elle avait déjà mis en lumière une administration broyeuse dans son adaptation de corde. raide de debbie tucker green en 2022. Dans un décor clinique éclairé aux néons, devant deux agents administratifs, une femme devait choisir la sentence de son bourreau. C'était limpide, remuant. Alors, fait-elle de Pratique du ventre une pièce politique ? « On ne peut pas nier cette situation de crise, ni fermer les yeux : les soignants sont en grève dans les hôpitaux, ça hurle », témoigne la metteuse en scène.
Elle partage aussi la colère qui anime son travail avec Carole Thibault. Celle-ci l'a accueillie dans le cadre de la "Jeune troupe" du théâtre des Ilets, CDN de Montluçon qu'elle dirigera encore quelques mois. Actrice, assistante à la mise en scène, Vanessa Amaral a eu plusieurs rôles auprès de la metteuse en scène. Outre le TNP où elle avait déjà joué corde. raide, elle est désormais programmée dans des théâtres comme L'Azimut à Antony ou le CDN de Dijon dont les directrices et directeurs (ou adjoints) étaient dans le jury du Prix Incandescences. Lestée de cette reconnaissance, elle a aussi pu être entendue de Julie Deliquet (fondatrice du Collectif in vitro, elle est la directrice du Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis) et passera aussi par le CDN de Saint-Denis. De l'importance des dispositifs tremplins et du maillage des théâtres.
Pratique de la ceinture, ô ventre
Du 12 au 21 mars 2025 au TNP (Villeurbanne) ; de 7 à 26 €
