Festival en Asie majeure

Pour fêter ses 11 ans, le festival Cinémas et cultures d'Asie invite à sa table la Corée du Sud ; à moins que ce ne soit elle qui, par la richesse des enjeux politiques et esthétiques actuels de son cinéma, soit devenu l'invité incontournable de ce type de manifestation ? Christophe Chabert

Commençons par les présentations de circonstance : le festival Cinémas et cultures d'Asie entre dans sa onzième édition avec quelques bonnes résolutions pour ce qui s'apparente à une période de transition. Cinéma Nouvelle Génération en rade après une édition 2005 pauvre en spectateurs, le projet-arlésienne d'un grand événement du côté de l'Institut Lumière paraissant de plus en plus chimérique, cette manifestation demeure aujourd'hui le seul festival de cinéma viable à Lyon intra-muros. Mais viable ne veut pas dire solide, et c'est toujours par la force des bonnes volontés de ses organisateurs (presque tous bénévoles) et le soutien fidèle du public lyonnais (11 000 entrées l'an dernier, beau score !) que l'association Asiexpo peut chaque année proposer un panorama exceptionnellement riche des cinémas asiatiques. Il n'y a qu'à se rendre sur place pour se rendre compte que cette réussite tient du miracle : séances commençant systématiquement à la bourre, sous-titrage maison sur la corde raide, speechs d'introduction immuables et parfois fastidieux, journalistes jamais prioritaires pour l'accès aux salles... Ce folklore-là fait le charme et l'intégrité d'un festival entièrement dévoué à ses spectateurs, même si les organisateurs rêvent toujours de sortir de ce côté débrouille permanente pour un peu de confort et de stabilité. L'ouverture prochaine du nouveau Comœdia pourrait être une belle opportunité pour que Cinémas et cultures d'Asie trouve enfin un centre névralgique, qui viendrait pallier son gros point faible : sa dissémination à travers la ville, empêchant de faire sentir l'émulation réelle qu'il crée à Lyon. Le fait que cette onzième édition adopte une durée plus raisonnable (8 jours seulement) traduit aussi ce désir de se rapprocher des grandes manifestations du genre en France.La Corée du Sud, grande santé et inquiétudesMais le fait que le festival reste attentif à sa survie dans un contexte pas forcément évident ne veut pas dire qu'il délaisse son mordant et sa pertinence. Ainsi s'ouvrira-t-il (ou presque) par une table ronde consacrée à la situation du cinéma sud-coréen, avec la présence de quelques spécialistes de la question. Car l'heure est grave : longtemps modèle dans sa manière de faire appliquer à son cinéma une rigoureuse exception culturelle, la Corée du Sud est dans le collimateur des Etats-Unis qui aimerait bien y écouler leurs blockbusters avec la même liberté que celle dont il dispose sur tous les autres territoires asiatiques. Le bras de fer est de plus en plus musclé, et pas sûr que le roseau coréen tienne face à ce grand vent libéral. Pratique de cette théorie : la Corée du Sud est l'invitée d'honneur du festival. Véritable colonne vertébrale de sa programmation, 10 longs-métrages démontreront la diversité d'un pays qui aura, plus qu'aucun autre ces dernières années, délivré aux cinéphiles leurs chocs esthétiques les plus percutants. L'année dernière à la même époque, tout le monde était encore abasourdi par la découverte de Old Boy, grand prix ultra-mérité du festival de Cannes et confirmation de la place de son auteur, Park Chan-wook, comme chef de file incontestable de cette nouvelle vague sud-coréenne. Quelques jours avant son arrivée sur les écrans français, Sympathy for Lady Vengeance fera la clôture du festival, et on se prépare déjà au choc : Park remet le couvert avec un nouveau film où la violence graphique n'est que le reflet d'une violence autrement plus cruelle, celle des rapports de force sociaux dans son pays. Quant à Kim Ki-duk, plus besoin de le présenter : ce stakhanoviste de la caméra (il tourne au moins deux films par an) tentera d'égaler son précédent (et acclamé) Locataires avec L'Arc, sensation de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. Quant à Kim Jee-Woon, ceux qui ont découvert son génial polar hard-boiled A bittersweet life à l'Institut Lumière en septembre courront voir The Foul king, comédie tournée en 99 par ce cinéaste qui revisite, film après film et avec une égale réussite, tous les genres du cinéma populaire. À suivre de près aussi, My mother the mermaid de Park Heung-shik, annoncé comme une des vraies surprises de la sélection, et Marathon, mélodrame façon Billy Eliott sur un adolescent autiste passionné de course à pieds.Petits maîtres asiatiquesÀ côté de ce colosse aux pieds d'argiles, les autres cinémas d'Asie entrent dans la sélection à pas feutrés. On est ravi d'avoir des nouvelles de Shinya Tsukamoto, disparu des écrans français depuis la sortie du décevant Bullet Ballet (si on laisse de côté sa très convaincante interprétation dans l'effrayant Marebito) ; le cinéaste revient par la petite porte avec un court et un moyen-métrage présenté dans un même programme par Tom Mes, qui a consacré tout un bouquin à Tsukamoto et à son œuvre furieuse et radicale. Les fans de fresques bollywoodiennes destinées au public occidental ne rateront pas Black, nouveau film de Sanjay Leela Banshali qui s'était fait remarquer avec Devdas, plus gros succès du genre en France. En provenance de Hong-Kong, le festival invite Wong Chin-Po à présenter ses quatre films, annoncés comme le renouveau du polar dans un pays qui ne s'est jamais remis du départ pour Hollywood de John Woo et Kirk Wong. Enfin, pour terminer en beauté, c'est le grand Isaho Takahata (auteur des merveilleux Tombeau des Lucioles et Mes voisins les Yamada), qui fournira l'épilogue du festival : Pompoko, nouveau bijou animé sorti des studios Ghibli du géant Miyazaki. On pouvait rêver pire, comme conclusion...Cinémas et culture d'AsieJusqu'au lundi 14 novembrewww.asiexpo.com

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