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La Machine à idées

Expo / Jusqu'au 28 novembre, l'IAC de Villeurbanne rend hommage à Brion Gysin. Peintre, calligraphe, écrivain, dessinateur, performeur, compagnon des surréalistes et de la Beat Generation, curieux des nouvelles technologies, inventeur du Cut-up et de la Dream Machine, celui que l'on surnommait «la Machine à idées» à accompagné la révolution de l'art du XXe siècle. Stéphane Duchêne

Connu et admiré des amateurs de la Beat Generation, Brion Gysin n'appartint pourtant jamais au mouvement, en dépit de ses amitiés avec William Burroughs (qu'il aidera à finaliser "Le Festin Nu"), Gregory Corso et Allen Ginsberg, avec qui il partagea le mythique Beat Hotel à Paris dans les années 60. Il en fut en revanche une sorte de cinquième mousquetaire, un parrain dont Burroughs disait qu'il était le seul être humain qu'il ait jamais respecté.

Mais sa recherche à lui, Gysin, allait bien au-delà de la littérature. Car celui que l'on surnommait «la Machine à idées», fut ce qu'on appellerait aujourd'hui un artiste multicarte, un vagabond de l'esprit, passant d'une discipline à l'autre et les mélangeant même. N'ayant peut-être aucune idée au fond de ce que le mot discipline peut bien signifier. L'exposition que lui consacre l'IAC sur proposition du New Museum de New York, témoigne ainsi à merveille du parcours de cet Anglo-canadien voyageur (Japon, Tanger, New York, Paris...), né en 1916.

Et si celle-ci a une valeur autant documentaire (extraits de carnet, notes, lettres) qu'artistique (collages, poèmes, peintures), c'est parce que sa vie est indissociable de son art, ses rencontres de ses recherches et de ses collaborations. Des beatniks bien sûr à Keith Haring, de Pollock aux surréalistes, qu'il fréquenta tous, qui l'influencèrent et qu'il influença sans doute en retour en un étrange tourbillon d'émulation.

Cut-up
Il y a ainsi du surréalisme dans l'une de ses grandes inventions littéraires, au hasard d'un découpage accidentel de journaux : le Cut-up, manière d'explorer l'inconscient de l'écriture, d'échapper au contrôle de l'esprit au profit de la contingence, provoquée ou subie. Écrire en réorganisant les mots pour en changer le sens, le cut-up faisait naître une forme de poésie expérimentale, dont le principal bénéficiaire fut sans doute William Burroughs, très présent dans l'exposition, qui outre qu'il travailla sur nombre d'écrits avec Gysin, utilisa et perfectionna cette méthode (également utilisée par David Bowie pour les textes de Ziggy Stardust) dans ses écrits ("Nova Express", "The Ticket That Exploded"...) mais également dans un ouvrage écrit avec Gysin, "The Third Mind".

La permutation, le collage, le changement de sens, une obsession pour Gysin qui mit également au point ses fameux «poèmes permutés». Une technique quasi psalmodique, qui bénéficiera même de la mise au point d'un générateur informatique, consistant à répéter la même phrase en changeant au fur et à mesure les mots de places à l'aide d'un algorithme, comme dans son poème le plus célèbre : "I am that I am". La plupart de ses travaux sonores et graphiques seront dans le même esprit et feront de plus en plus appel aux nouvelles technologies de son temps, à mi-chemin de l'art et de la science : en découpant l'enregistrement sonore de coups de feux et en les réagençant il produisit le "Pistol Poem" (1960), en permutant des photos du Centre Pompidou, situé en face de chez lui, il réalisa toute une série de tableaux dans l'esprit du Pop Art.

Et c'est encore sous l'effet du hasard, d'un esprit rendu plus vagabond encore par le voyage, que Gysin eut l'idée, en 1958, de son grand-oeuvre, la "Dream Machine", qui donne son titre, et un peu de son sel, à l'exposition.

Dream Machine
Dans un bus pour Marseille, Gysin vécut une expérience psychédélique inédite, qu'il raconte dans son journal : «J'ai eu un déchaînement transcendantal de visions colorées (...). Nous roulions sur une longue avenue bordée d'arbres et je fermais les yeux dans le soleil couchant quand un flot irrésistible de dessins de couleurs surnaturelles d'une intense luminosité explosa derrière mes paupières, un kaléidoscope multidimensionnel tourbillonnant à travers l'espace. (…) La vision cessa brusquement quand nous quittâmes les arbres».

Stupéfait, au sens propre, par cette découverte, il s'en ouvre à Ian Sommerville, compagnon de Burroughs. Et, dans les mains de ce mathématicien, la simple sensation, l'idée, devient, en 1961, une machine à impulsion lumineuse dont la fréquence de rotation correspond aux ondes alpha synonymes, dans le cerveau, de relaxation. Soit, plus prosaïquement, un abat-jour troué monté sur une plaque tournante à l'intérieur duquel brille une ampoule.

Une lampe de chevet psychédélique montée sur un tourne-disque, en quelque sorte. Mais surtout une œuvre d'art d'un autre genre, productrice de rêves qui se regarde les yeux grands fermés ! Une idée qui devient réalité pour mieux la transcender et en tordre la perception. Ou l'art selon Brion Gysin.

Bryon Gysin : Dream Machine
À l'Institut d'Art Contemporain (Villeurbanne), jusqu'au dimanche 28 novembre.

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