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La gastronomie à toutes les sauces

Érigée au rang de quasi religion à Lyon, la gastronomie est enfin disséquée dans l’exposition «Gourmandises !» du musée Gadagne. Retour sur l’histoire de ce mythe "made in" gone, zoom sur le menu de l’expo et décryptage de ce bonbon ô combien d’actualité et local : la papillote. Nadja Pobel

«Capitale mondiale de la gastronomie». L’appellation claque comme un trophée. Cette petite phrase sésame a été prononcée par le critique gastronomique Curnonsky (pseudonyme de Maurice Edmond Saillant) en 1934 au sortir de Chez Vettard (cuisinier de feu le Café Neuf place Bellecour) et est devenue le titre même d’un de ses ouvrages. Pourtant la réputation de la nourriture lyonnaise n’est alors pas nouvelle. Rabelais s’est inspiré de cette cuisine pour écrire Gargantua et Pantagruel ; Stendhal prétendait ne connaître qu’une chose que l’on fasse bien à Lyon : «On y mange admirablement bien et, selon moi, mieux qu’à Paris». Il faut dire que Lyon est au bon endroit : sur l’axe fluvial nord-sud par lequel transite des produits lors des foires du Moyen-Âge et qui en font un centre d’approvisionnement et de consommation. Parallèlement, les métiers de bouches se développent donnant parfois leur nom aux rues (rue de la Fromagerie, de la Poulaillerie). Lyon bénéficie aussi des spécialités locales alentours d’excellente qualité : les volailles de Bresse (seule AOC au monde pour le poulet), les poissons et grenouilles de la Dombes et des lacs savoyards, les fruits et légumes de la vallée du Rhône, les châtaignes d’Ardèche, les écrevisses du Bugey et du lac de Nantua, les vignobles du Beaujolais... La bonne qualité de l’eau du Rhône (qui peut étonner aujourd’hui) venue des Alpes a même contribué à produire une excellente bière au XIXe siècle. De nombreuses brasseries faisaient alors elles-mêmes leur breuvage. Ne reste que la Brasserie Georges rejointe récemment par les enseignes du Ninkasi.

Nappe blanche

Mais la gastronomie n’est pas qu’une affaire de goût. À Lyon, c’est aussi une question de pouvoir et de secrets. C’est dans les restaurants cotés que se signent les contrats, se dessinent les orientations politiques. Edouard Herriot avait fait de la Mère Brazier (première femme à obtenir trois étoiles au Michelin avec une vaisselle encore en inox à l’époque !) l’annexe de la mairie, idéalement située rue Royale entre son lieu de travail et son domicile cours d’Herbouville ; les notables retrouvent dans les restaurants l’intimité de leur maison mais sans exposer pour autant ce qu’ils possèdent ; ils se retrouvent au sein des académies de gastronomie. Dans le foisonnant catalogue de l’exposition du Musée Gadagne, il est précisé que Francisque Collomb et Charles Hernu ont posé les bases de la communauté urbaine de Lyon au restaurant. Raymond Barre est lui nommé ministre des finances de l’Académie des Francs-mâchons après la prise de l’Île Barbe en 1977 (!) et gère la monnaie du lieu, le poil, indexée sur la monnaie européenne alors en gestation, l’écu, devenant ainsi le poil d’écu ! Entre sérieux et dérision, voire foutaises, les restaurants sont le lieu de tous les réseaux et de toutes les alliances et collusions.

Nappe à carreaux

À l’autre bout de l’échelle sociale, il est encore question de gastronomie avec la «mangeaille guignolesque». Ce manger populaire est né au XIXe siècle conjointement au développement de la soierie. Les canuts se levaient tôt pour travailler et se fendaient d’un mâchon – un bon repas - vers 9h ou 10h. Composé de tout ce qui aujourd’hui fait les cartes des bouchons (cochonnaille froide ou chaude dont le fameux tablier de sapeur ou l’os de China, salade de dents de lion, quenelle, murette de Condrieu, Saint-Marcellin, bugnes), ce repas avait pour temple les anciennes halles des Cordeliers. Les ouvriers discutent entre eux à ce moment-là justifiant ainsi cette idée qu’à Lyon, on ne se connait pas tant qu’on n’a pas mangé ensemble. Les patrons et les marchands s’y rencontrent aussi faisant là encore de la table un lieu d’affaires. Aujourd’hui les bouchons subsistent. Certains, depuis 1997, ont même un label "véritable" pour les distinguer des attrape-touristes. La cuisine n’a cessé de s’exporter grâce notamment à Paul Bocuse qui a fait du cuisinier une star. Lui-même apprenti de la mère Brazier, plus jeune chef à être triplement étoilé au guide Michelin (à 39 ans en 1965), premier chef cuisinier à recevoir la légion d’honneur (en 1976), il noue des liens avec le Japon, reprend l’école des arts culinaires d’Ecully et en fait un institut à son nom, crée un prix international de cuisine - le Bocuse d’Or - et rentre même au musée Grévin ! De plus vieilles maisons vivent encore et s’offrent une  seconde jeunesse. La Mère Brazier est tenue depuis 2008 par Mathieu Vianey (une étoile) également aux commandes la brasserie du TNP fraîchement rénové.

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