Lost in translation

Gruff Rhys

Marché Gare

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

De son improbable quête américaine à la remorque d'un aïeul parti au XVIIIe à la recherche d'une tribu d'Indiens parlant gallois, Gruff Rhys a ramené une histoire insensée et passionnante, déclinée sur quatre supports. Dont un disque bouleversant baptisé "American Interior". Stéphane Duchêne

En 1792, un Gallois nommé John Evans, multiple arrière-grand-oncle de Gruff Rhys, l'ancien leader des Super Furry Animals, quitta son village de Snowdonia pour gagner le Nouveau Monde au prétexte de s'enquérir des fondements de la légende des "Indiens" Madogwys (ou Mandan), descendants supposés et surtout gaélophones (!) du prince gallois Madog ab Owain Gwynedd. Lequel aurait touché le sol américain dès le XIIe siècle.

Pour Evans, l'affaire tourna alors à l'Aventure avec un grand A, à d'immenses péripéties qui l'amenèrent à arpenter le Nouveau Monde de part en part, à être incarcéré par les Espagnols car soupçonné d'être un espion britannique, à s'évader nu, à contribuer à arracher des griffes britanniques et pour le compte de la couronne espagnole (!) une partie du territoire américain et donc du futur Canada. Et même à dresser une cartographie du Missouri qui facilitera grandement l'expédition Lewis & Clark et le rachat de la (grande) Louisiane à la France par les États-Unis.

Chevauchée fantastique

220 ans plus tard, il n'en fallait pas plus (plus c'eut été trop) pour que Rhys – fourmis dans les jambes et dans la tête – se lance sur les traces d'Evans, accompagné d'une marionnette à son effigie, pour une «tournée d'investigation» entre concerts-conférences Powerpoint et reprise de l'enquête de grand tonton.

Or, de cette histoire de l'homme qui a vu l'homme qui a vu un Indien parler gallois, Gruff Rhys a tiré non seulement un documentaire d'une grande poésie, un livre et... une application mobile, mais aussi un trésor pop : chevauchée fantastique comptant – et contant – autant de paysages musicaux que l'Amérique peut montrer d'horizons, folie psychédélique à la Super Furry Animals, balades folk, arrangements bacharachesques, cavalcades morriconiennes, le tout parcouru par un souffle épique et/ou mélancolique bouleversant. Preuve ultime que même d'un voyage où l'on échoue à trouver ce pour quoi l'on est parti, on ramène toujours quelque chose et beaucoup de soi-même.

Ainsi de cette cruelle ironie : à la fin de son périple, Rhys rencontre lui-même les Mandan (ou ce qu'il en reste), découvrant sans surprise, comme Evans avant lui, qu'ils ne parlent pas Gallois. Mais que leur dialecte sioux – qui ne compte plus qu'un unique locuteur vivant – est menacé de disparition. Triste réalité qui renvoie à Rhys le miroir de la disparition progressive de sa propre langue natale. Celle par et pour laquelle toute cette folle histoire a commencé : le gallois.

 

Gruff Rhys
Au Marché Gare, lundi 13 octobre

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