Ce mois de février marque l'émergence de cinéastes venus «d'ailleurs» dont les démarches, aussi radicales soient-elles, n'oublient jamais le spectateur en chemin.Christophe Chabert
Hormis l'uppercut flamand Bullhead, c'est de Norvège et du Maroc que nous viennent les films les plus aventureux du mois de février. Ceux qui ont vu Nouvelle donne savent que son réalisateur Joachim Trier (Danois comme son camarade Lars Von, mais expatrié chez le voisin norvégien) est un nom à suivre. Avec Oslo, 31 août (sortie le 29 février), cela ne fait plus de doute : ce cinéaste en a dans l'estomac. Il s'est lancé dans une libre (mais assez fidèle à l'arrivée) adaptation du Feu follet, roman de Drieu La Rochelle porté une première fois à l'écran par Louis Malle, accompagnant la journée d'un ex-toxicomane qui, n'arrivant plus à retrouver le goût de la vie, décide de se suicider, non sans avoir au préalable fait le tour de ses anciennes connaissances. Sur ce canevas, Trier réussit un film à la fois sensuel et cérébral, captant par un travail d'hyperréalisme visuel et sonore l'ambiance d'une ville, Oslo, et de ses habitants, entre ivresse d'une jeunesse qui n'a pas envie de dormir et gueule de bois des trentenaires épuisés par leur responsabilité. C'est avec des choix esthétiques diamétralement opposés (caméra à l'épaule façon frères Dardenne et réalisme strident des bruitages) que Leïla Kilani scotche le spectateur dans Sur la planche (sortie le 1er février). À Tanger, deux ouvrières de la zone franche passent leurs nuits à draguer des mecs puis à les voler pendant leur sommeil, prenant à son propre piège une société machiste et inégalitaire. La tension qui circule dans les scènes est digne des meilleurs polars, mais les héroïnes, blocs d'énergie jusque dans leur langage heurté, échappent à tout stéréotype.
Traîtres émotions
Après son splendide Morse, Tomas Alfredson quitte la Suède et réalise, en Angleterre, une adaptation de La Taupe de John Le Carré (sortie le 8 février). Le film intrigue plus qu'il ne passionne, le scénario alambiqué et la mise en scène excessivement décorative créant plus de torpeur que de fascination. Il faut donc s'accrocher pour dépasser le récit d'espionnage et voir apparaître un autre film, étonnant, où cette société masculine fondée sur le mystère et la dissimulation vole en éclats à chaque retour de ses émotions. La guerre froide y devient une guerre des sentiments refoulés, et La Taupe ressemble alors à un Sidney Lumet filmé par François Ozon. Pour finir, puisque février est aussi une période de vacances scolaires, conseillons aux parents d'accompagner leur progéniture voir Zarafa (sortie le 8 février) de Rémi Bezançon et Jean-Christophe Lie, très beau dessin animé à l'ancienne qui, mine de rien, fait un sacré devoir de mémoire, le tout avec tendresse et humour. On a même le droit de verser sa petite larme à la fin !