Un maire à bout d'idées se régénère grâce aux perfusions intellectuelles d'une philosophe. Levant un coin du voile sur les coulisses de nos institutions, Nicolas Pariser raconte aussi l'ambition, la sujétion, le dévouement en politique, ce métier qui n'en est pas un...
Usé, fatigué... vieilli ? Paul Théraneau, maire de Lyon, éprouve en tout cas un passage à vide intellectuel incitant son cabinet à recruter une jeune philosophe, Alice Heimannn pour lui redonner des idées. Dans les arcanes du pouvoir, Alice se fait sa place et devient indispensable...
L'époque impose de dénigrer les dirigeants politiques, lesquels donnent bien volontiers le bâton pour se faire battre (dans les urnes). Aussi, chaque film s'intéressant à la chose publique et révélant la réalité d'une gouvernance, loin des fantasmes et des caricatures, est salutaire. Alice et le Maire s'inscrit ainsi dans le sillage de L'Exercice de l'État (2011) de Pierre Schoeller. Sans angélisme non plus puisque les manœuvres d'appareil, les mesquineries et jalousies de cabinet ne sont pas tues — mais n'est-ce pas là le quotidien de n'importe quelle entreprise où grenouillent les ambitieux ? Ce sur quoi Pariser insiste, c'est la nécessité pour le responsable politique d'être animé par une inspiration, un souffle ; de disposer d'un socle philosophique et d'un·e sparing-partner intellectuel dans une joute maïeutique dont Alice est ici la clef... mais aussi une observatrice temporaire, n'étant pas du sérail. Dans une grande métropole où un commis de l'État se trouve fatalement isolé de ses administrés (hors séquences artificielles de campagne), ce genre de rencontre est forcément profitable à l'élu.
Urbi et orbi
Le seul reproche que l'on puisse faire à l'auteur, c'est d'avoir nommé la ville dans laquelle il situe l'action, privant son œuvre de la légitime universalité à laquelle elle pourrait prétendre. À cause de ce détail, des esprits brillants (ou égocentré ?) croient depuis le tournage à Lyon il y a un an tout juste qu'Alice et le Maire est un film à clef et qu'il faut trouver entre les lignes des allusions à la situation politique locale — d'autant que l'actuelle configuration municipale n'a pas grand chose à voir avec celle de septembre 2018. Par “ruissellement“ (pour reprendre un vocable à la mode de ceux qui savent planquer les sous) ou contamination, le public lyonnais pourrait croire à une charge à peine voilée contre son premier édile ; il n'en est rien. Qu'il ne renonce pas pour autant à découvrir ce film qui, certes valorise leur ville par force plans avantageux (Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma sera ravi), mais surtout leur montrera que les affaires de la Cité ont davantage besoin de réflexion que de passion, d'impulsions ou de tractations. À 170 jours d'une élection, ce n'est pas inutile, au fond...
De Nicolas Pariser (Fr., 1h43) avec Fabrice Luchini, Anaïs Demoustier, Nora Hamzawi...