En création / Que se passe-t-il dans les salles obscures, lorsque le public n'y est pas ? Avec ou sans contrepartie, la plupart des structures ont pour habitude de mettre leur scène à disposition des artistes pour des périodes de « résidence ». Ou comment être indispensable à la chaîne de production du spectacle vivant, bien au-delà de la seule diffusion.
Un vendredi après-midi, sur le coups des 15h30. Dans la salle de spectacles du Pax à Saint-Etienne, Etienne Delesse bouge les boutons de sa console. Sans douche lumineuse, sans frou-frou, sans paillettes ou quelconque artifice, mais surtout sans spectateur prêt à l'applaudir, la jeune Romane - nom de scène, Enamory - attend qu'on lui donne le top départ, avant de faire sortir sa belle voix en asticotant les cordes de sa guitare.
Avec 6 concerts en moyenne accueillis par mois, le Pax est finalement bien plus souvent fermé au public que l'inverse. Une donnée chiffrée sans grande valeur, qui ne l'empêche pas d'être à la fois un véritable lieu de diffusion... Et à la fois un lieu de vie, de travail et de répétition. Chaque année, la salle voit en effet passer près de 45 projets musicaux en construction, pour 150 jours de résidence environ. « Au Pax, ce que l'on appelle résidence est synonyme d'accompagnement. Pour les artistes, tout est entièrement gratuit », précise le directeur de la structure.
Accompagnement
Ici, tout commence par un diagnostic, « comme chez le toubib » : Etienne et le ou les jeune(s) poulain(s) s'installent autour d'une table, discutent ensemble de l'objectif à atteindre, et du chemin à emprunter pour y parvenir. « On parle d'un parcours. Quels sont les points faibles ? Qu'est-ce qu'on peut mettre en place pour les travailler ? Parfois, ce sont les artistes qui viennent frapper à notre porte pour qu'on les accompagne. Parfois, ils atterrissent ici par le biais d'un dispositif de soutien à l'émergence tel qu'ils existent dans le département, avec le tremplin Nos Talents sur Scène, ou des partenariats avec d'autres structures. »
Placée (un peu) sous le feu des projecteurs à l'ère covido-confinée, la résidence se conçoit toujours comme une forme de soutien à la création, quoi que le conseil et le « parcours » ne fassent pas toujours partie du deal. Au théâtre municipal du Parc à Andrézieux-Bouthéon, le directeur Patrice Melka considère ce dispositif comme une sorte de devoir vis-à-vis des artistes : « En tant que théâtre municipal, nous percevons des enveloppes qui nous sont allouées pour l'aide à la création. L'accueil de résidences est donc une manière pour nous d'accomplir l'une de nos missions de service public. »
Mise à disposition
Le lieu, qui peut mettre des moyens techniques et humains à disposition, voit ainsi passer entre 4 et 6 compagnies par an en résidence, conçue ici comme un temps et un espace offerts aux artistes pour travailler. « L'aide que nous apportons ne se matérialise pas par du conseil sur la création et le travail en cours, ou en tout cas, pas de manière formelle. Il s'agit essentiellement de permettre aux artistes de travailler de manière sereine, dans une vraie salle de spectacle dont ils découvrent au passage les modes de fonctionnement. Puisque les résidences ne sont pas rentables pour les établissements, on comprend que, sans des structures publiques susceptibles d'en accueillir, tout serait plus compliqué pour les artistes... »
Mais, si le dispositif résidence est une vraie chance pour les artistes, il peut aussi prendre parfois l'apparence d'un gagnant-gagnant. A l'espace culturel La Buire à L'Horme – tout comme au Parc, au Pax, ou dans la plupart des lieux de diffusion qui en accueillent -, la résidence est parfois mise en place à la suite d'un accord de diffusion, voire, de co-production.
Ou association
« Ce n'est pas une obligation, expliquent de concert Caroline Agher et Marlyse Griot, respectivement responsable des affaires culturelles et chargée des relations publiques du lieu. Ici, on part du principe qu'un équipement qui ne sert à rien coûte aussi cher qu'un équipement qui sert ». Dans les périodes où il n'y a pas de représentations, l'espace scénique, ainsi que deux salles de travail à la table peuvent ainsi être mis à disposition des artistes pour qu'ils travaillent. « Parfois, il nous arrive en effet d'accueillir en résidence des compagnies dont nous avons acheté ou coproduit le spectacle. On peut même aller encore plus loin, comme c'est le cas depuis le 1er janvier avec la compagnie Nosferatu qui est devenue artiste associée à La Buire. Nous sommes engagés avec elle pour 3 ans, et elle aura ainsi l'obligation de mener des actions culturelles avec différents publics. Première d'une longue série, la représentation gratuite du concert musical A Toute Bubure, le 13 mars. Dans ce cas de figure, c'est vraiment du donnant-donnant ».