À voir
★★★☆☆ Pornomelancolia
Ouvrier le jour, Lalo mène une existence très active sur les réseaux sociaux spécialisés gays. Retenu à l'issue du casting d'un film porno dans lequel il doit interpréter Zapata, il fait partager à ses followers son nouveau quotidien d'acteur X. De ce qu'il idéalisait à la réalité, il y a de quoi déchanter...
Cet argument de tournage d'un porno gay sur la révolution mexicaine (imaginant de surcroît des relations torrides entre Pancho Villa et Zapata), aurait pu entre d'autres mains déboucher sur une comédie almodovaresque faussement provocatrice et innocente. Mais là n'était pas le propos de Manuel Abramovich qui se focalise ici sur l'envers d'un décor flamboyant aux yeux de son héros — mais tout bûcher des vanités n'est-il pas pas ontologiquement flamboyant ? Complément à Pleasure (2021) de Ninja Thyberg, Pornomelancholia parcourt la tristesse de la chair exploitée, la désillusion progressive de Lalo chassant les clics, les followers et les dollars. Le regard n'est ni acerbe, ni complaisant derrière l'observation de pratiques industrielles déshumanisées : juste lucide.
De Manuel Abramovich (Arg.-Fr.-Bré.-Mex., int.-16 ans, 1h34) avec Lalo Santos, Diablo, Brandon Ley...
On s'en contente
★★☆☆☆ Polaris
Deux sœurs éloignées dans l'espace et qui cependant se rapprochent, au fil des événements intimes de leurs vies. L'aînée est capitaine de bateaux dans le Grand Nord, la cadette vit encore en France. La première a longtemps été solitaire, la seconde devient mère d'une petite fille. Un portrait croisé...
À l'instar de ce navigateur embarquant pour de longues distances, ce documentaire pourrait être qualifié de “film au long cours” tant il aura pris du temps pour voir le jour (plus de deux ans de tournage et plus d'un an s'est écoulé depuis sa présentation au festival de Cannes). S'attachant à une figure singulière — une femme capitaine n'est pas (encore) chose fréquente dans la marine —, la cinéaste en vient à lui faire évoquer ce qui lui reste d'attaches familiales (un passé compliqué) et à fixer les liens se renouant avec sa sœur. Intermédiaire ambigu (elle n'apparaît pas directement dans le film mais elle est “celle grâce à qui beaucoup de choses adviennent), médiatrice décalée (elle ne parle pas français, voilà pourquoi le film est souvent en anglais), la réalisatrice espagnole signe ainsi un film à mi-chemin entre le propos intime et le propos universel, sans qu'il soit vraiment possible de trancher. On reste indécis : est-on indiscret ou destinataire de l'histoire des deux sœurs ? Restent les beaux (et fragiles) paysages polaires...
Documentaire de Ainara Vera (Fr.-Dan., 1h18)
★★☆☆☆ Magnificat
Le constat de décès d'un prêtre très apprécié établissant qu'il s'agissait en fait d'une femme provoque un cataclysme dans le diocèse. L'évêque veut ne pas ébruiter la chose mais la chancelière cherche à comprendre comment cela a pu se produire. Elle entreprend alors de fouiller le passé cette “prêtresse”...
Si (la bien-nommée) Virginie Sauveur s'est entourée d'une fort belle distribution jusque dans les moindres seconds rôles, l'énigme et la réalisation un brin téléfilmesque (propre mais convenue) ne sont pas suffisantes pour soutenir artistiquement le “propos” du film — à savoir, dénoncer la survivance d'un archaïsme têtu empêchant une femme d'exercer comme prêtre dans l'Église. Chacun des personnages campe sans beaucoup de nuance une “fonction“ plus qu'un rôle : Patrick Catalifo surjoue le fourbe conseiller de l'évêque féroce gardien du dogme, Anaïde Rozam écarquille les yeux en auxiliaire BCBG maladroite mais dévouée à la chancelière, le fils d'icelle esquisse une vague rébellion parce qu'il n'a jamais rencontré son père biologique (wow ! comme le Christ, dites donc !)... Une touche d'exotisme religieux vient ponctuer la chose avec une immersion dans la communauté gitane en plein pèlerinage. Et la messe est dite.
De Virginie Sauveur (Fr., 1h37) avec Karin Viard, François Berléand, Maxime Bergeron...
★★☆☆☆ 38°5 Quai des Orfèvres
Jeune et brillante policière, Clarisse Sterling est affectée au Quai des Orfèvres où elle va travailler sous les ordres d'un super-flic, le commissaire Keller. Mais la réputation du bonhomme est plutôt exagérée : Clarisse le constate à son arrivée coïncidant avec le début de la traque d'un serial killer, le Vers solitaire...
Avec trente ans de retard (au bas mot) ce spoof movie parodiant la trame du Silence des agneaux de manière hurlante oublie hélas d'ajouter d'autres références et surtout une cargaison satisfaisante de gags de son cru pour affirmer son originalité. En découle un rythme atone, entre séquences dignes des ZAZ (Y-a-t-il un pilote dans l'avion etc.) telles que celles du commissariat, où les arrière-plans pullulent de détails, et d'autres plus plan-plan, téléphonées ou répétitives (le caméo en triple de Stéphane Bern, c'est au moins une fois en trop). Heureusement que l'on peu compter ici sur un comédien qui, de film en film, imprime une marque bien à lui tout en se diversifiant : Artus. Dans la tenue du médecin-légiste brutal et dépourvu d'affect comme de morale, il instille une note d'humour noir assez savoureuse qui rattrape une partie de la sauce. De là légitimer le Grand Prix de l'Alpe d'Huez...
De Benjamin Lehrer (Fr., 1h24) avec Didier Bourdon, Caroline Anglade, Yann Papin, Artus...