Arts visuels / Depuis plus de 11 ans, le Petit Bulletin vous déniche chaque mois les expositions les plus pertinentes à Sainté et alentour. Voici donc notre ultime sélection, laquelle fait une fois encore la preuve qu'un large éventail d'accrochages peut satisfaire à coup sûr toutes les sensibilités et toutes les curiosités.
Il vous reste quelques jours seulement (jusqu'au 10 novembre) pour courir jusqu'à la médiathèque Jules Verne de la Ricamarie et (re)découvrir le travail de Linda Roux. Avec Wasteland – Rien n'est à eux, tout est à nous !, l'artiste propose un ensemble narratif autour de personnages fictifs qui, en dix tableaux et douze dessins nourrissent un feuilleton en caméra subjective sur la solitude et la difficile relation à autrui. Linda s'inspire du cinéma et des séries américaines, mais aussi de la littérature du XIXe siècle avec Zola et Balzac. L'ensemble évolue au gré de ses rencontres, de son militantisme et de l'actualité. La composition dépouillée des scènes, les aplats de couleurs vives à l'acrylique où apparaissent de subtiles dégradés, les regards effarés des sujets, tout, dans les grands formats semble insuffler aux scènes peintes une impression de sidération, de stupéfaction. Dans les détails du quotidien, lectures, post-it, se glisse une forme résilience qui cache mal la colère et entrouvre la porte de la révolte. Tags, pancartes, banderoles et poubelles en feu posent le décor abrupt d'un climat social rugueux, évoquant sans détour la séquence pandémie et post-pandémie qui a secoué notre pays à l'épreuve de la Macronie. Ne se définissant par comme une artiste engagée mais plutôt comme une femme qui peint à la hauteur de ce qu'elle est, de ce qu'elle voit et de ce qu'elle vit, Linda Roux explique pour autant dénoncer ici « le passage d'un état déjà autoritaire à une forme de dictature ultralibérale. » Wasteland pointe ainsi l'impact d'une telle dérive sur le quotidien des protagonistes qui oscillent entre refus de voir et engagements militants, entre confort et précarité, soulignant « le prix à payer ». Cette exposition exigeante s'inscrit dans la droite ligne des accrochages choisis par Catherine Herbertz, directrice des lieux, elle-même artiste plasticienne aux convictions très encrées dans l'humain.
Meutes
Double actualité pour le sculpteur stéphanois Florian Poulin qui vient de produire une œuvre quasi monumentale pour KALDÛN, le nouveau spectacle (donné à La Comédie de Saint-Étienne du 14 au 17 novembre) dans lequel Abdelwaheb Sefsaf réunit la Compagnie Nomade in France et l'ensemble Canticum Novum. Après deux années de repli salutaire sans montrer son travail, l'artiste dévoile un nouveau bestiaire du 9 au 18 novembre dans salle des Cimaises. Avec BÊLIK IncarnationS, Florian opère une transition dans sa façon d'aborder les thèmes qui lui sont chers (l'humain, l'histoire individuelle et la la filiation collective), à travers le prisme de l'hybridation et de l'animalité. Les nouvelles sculptures témoignent chez leur créateur d'une persistante et nécessaire introspection. Mû par un instinct quasi primitif, le sculpteur construit une mythologie épique et contemporaine qui rend hommage à la meute résiliente des Guerrières. Pour réaliser ses premiers bronzes, Florian n'a pas compté les allers-retours entre son nouvel atelier stéphanois et la ville de Crest, où la famille Barthélémy fait vivre sa fonderie d'art depuis 1925 au cœur de la Drôme. Deux commissaires émérites accompagnent Florian Poulin dans cette nouvelle aventure : le docteur en esthétique et sciences de l'art Vincent Lecomte, et Mattia Lapperier, historien d'art, conservateur indépendant et conférencier.
Glaciers
Dès le 4 novembre sur le M.U.R, Aurore Bagarry offrira aux passants un extrait de son remarquable inventaire photographique des glaciers du massif du Mont Blanc, un travail réalisé entre 2012 et 2017 qui a d'ailleurs fait l'objet d'un très beau livre de 208 pages aux éditions Hartpon. À la fois victimes et témoins des changements climatiques, les glaciers subissent de profondes métamorphoses, glissant lentement de la noblesse des monuments au charme des ruines. Au rythme de la marche, la photographe nous interroge sur la définition de la photographie elle-même : la quête d'un point de vue sur notre monde...
Comme chaque année, novembre est le mois de l'appel à la générosité lancé dès 2010 par l'association Vaincre Le Cancer 42. Pour sa quatorzième édition, l'opération Solid'Art propose à la vente les œuvres de cinquante-cinq artistes du bassin stéphanois. Peintures, photographies, sculptures et illustrations trouveront preneurs (pourquoi pas vous ?) du 24 au 26 novembre dans le bâtiment art déco de la Charité, rue Michelet à Saint-Étienne. Parmi les exposants qu'il sera possible de rencontrer lors du vernissage (jeudi 23 à partir de 18h), citons en vrac BATO, Guy Baudinat, Jacqueline Blanchet, Hacène Bouziane, Philippe Durand, Catherine Haro, Gilbert Lange, Anne Lordey, LUMA, Bernard Pharabet, Toto Pissaco, Jacques Prud'homme, Laurent Quin ou encore Anthony Roux. Les bénéfices de Solid'Art s'additionnent à ceux des concerts que l'association organise régulièrement et sont intégralement reversés aux services de cancérologie du CHU de Saint-Étienne. Depuis 2011, plus de 120 000 euros ont ainsi permis le financement d'équipements et de projets innovants. Respect.
Vous en voulez encore ?
Quelques autres expos méritent tout autant votre visite, comme le remarquable accrochage de Franck Chalendard, en place jusqu'au 25 novembre à la galerie Ceysson & Bénétière. Furtives regroupe plus d'une quarantaine de toiles récentes (2016-2023) aux formats généreux, autant de wax et de batiks personnels grouillants de motifs abstraits et foisonnants de couleurs... A mi-chemin entre le dessin et la photographie, l'univers monochrome, dense et énigmatique de Célia Muller est à découvrir jusqu'au 2 décembre à L'Assaut de la menuiserie, où l'artiste est résidence de création depuis déjà quelques semaines... Avec Mémoires de plantes, Nicolas Pirus investira La Serre (ex école des Beaux Arts) du 24 novembre au 30 décembre, évoquant l'histoire de territoires dont les paysages conservent encore la trace fragile de végétaux aujourd'hui disparus... Préparant une exposition sur la thématique du sport qui verra le jour en janvier à Saint-Jean-Bonnefonds, le photographe Anthony Faye est actuellement en résidence à l'Atelier-musée Maison du Passementier, où se poursuit jusqu'à la fin de l'année l'exposition Voyage en terres textiles en partenariat avec les musées de Bussières et Panissières, ainsi qu'avec le lycée Métiers de la Mode des monts du lyonnais. Le public peut y apprécier les travaux réalisés par de jeunes diplômés lors l'édition 2022 des 48h de la création textile, à partir de tissus confectionnés dans le département de la Loire...
Very good design
Tout au long du mois de novembre, la galerie Pasqui dévoile sa récente recrue, Socrate, dont les créations se mêleront aux nouvelles oeuvres des artistes phares du lieu : Mr Brainwash, JonOne, Britt, Oak oak, Futé, Viza et Ladamenrouge. Issue du mouvement graffiti, Socrate passe du support urbain à la toile, accouchant d'univers contrastés en zigzaguant du sauvagement coloré au monochrome black & white... Animée par une profonde réflexion au sujet la responsabilité qui engage les créateurs sur les coûts écologiques, sociaux, politiques et économiques de leur production, la jeune designer Mathilde Garcia présente à la Cité du design jusqu'au 7 janvier, des objets en pièce unique ou en petite série, fabriqués à la main et recouverts couche par couche de pulpe de carton dans les ateliers de Very good design à Saint-Étienne. L'occasion de visiter La Bulle, nouvel espace ouvert au public dont la programmation entend mettre en valeur les différentes approches pédagogiques de l'École supérieure d'art et design de Saint-Étienne, de la classe préparatoire aux diplômes, en passant par les temps de workshops... Un peu plus loin, Philippe Hervouet associe ses cyanotypes aux porcelaines de Béatrice Naacke, pour une exposition en binôme jusqu'au 15 décembre dans les murs du Musée des Manufactures de Dentelles, à Retournac (43).
