Politique culturelle : la région cultive le flou

Ça coince. Depuis le changement d’exécutif à la tête de la région Rhône-Alpes (devenue Auvergne-Rhône-Alpes) en décembre, aucune ligne claire concernant la culture n'a été édictée. Pire : les budgets sont rabotés sans la moindre concertation. En cette rentrée, le milieu culturel s'échauffe.

La culture n'est pas une compétence obligatoire des régions, au contraire par exemple de la construction et du fonctionnement des lycées, de la formation professionnelle ou encore des transports (comme les TER). D'où certainement le fait que, lors de sa conférence de presse sur le budget ce printemps, le nouveau président d’Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez ait appris par notre question que la région était présente chaque été au Festival d'Avignon (location d'une péniche pour des débats et des échanges), présence qu'il a aussitôt annulée. Voilà donc pour la méthode qui prévaut depuis son arrivée : trancher dans le vif, en une minute.

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Exit les commissions d'experts (bénévoles) chargées d'étudier les dossiers très complets de demande de subventions adressés aux élus. Pourquoi ce système a disparu ? Pour Florence Verney-Carron, vice-présidente en charge de la culture, « c'était un problème de délai sur ce budget : nous n'aurions pas pu réunir les commissions dans les temps. Mais tout a été étudié de très près par nos services et la direction de la culture. Pour l'avenir, nous allons entamer une réflexion sur ces commissions, rien n'a été décidé à ce sujet pour l'instant. »

Farida Boudaoud, son homologue à l’époque de la présidence du socialiste Jean-Jack Queyranne, analyse cette suppression comme « un fait du prince et une volonté de faire du clientélisme » citant en exemple la hausse de 75 000€ (+100%) accordée à Jazz à Vienne. « Même avec Anne-Marie Comparini [présidente de centre droit de la région entre 1999 et 2004 – NDLR], il y a avait ce travail de médiation ! »

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Règlements de comptes

Autre problème, les décisions sont intervenues très tard, lors des commissions permanentes des 26 mai et 7 juillet concernant le budget d'une année déjà bien entamée (« quelle entreprise survivrait en apprenant à mi-année qu'on lui retire la moitié de sa dotation ? » s'étrangle un acteur culturel) dans un cafouillage qui frôle l'amateurisme si ce n'ést le règlement de comptes politicien. Exemple : la Comédie de Saint-Étienne et son école ainsi que l'École supérieure d'art et de design n'étaient même pas inscrites à l’ordre du jour en mai. Un "oubli" rectifié en juillet à montant égal, et un versement tardif qui est pour Farida Boudaoud, comme pour bien d'autres, une sanction de Laurent Wauquiez à l'encontre de l'édile stéphanois Gaël Perdriau, soutien de Bruno Le Maire à la primaire LR – et non de Nicolas Sarkozy.

Avec de telles (non) méthodes, les subventions en baisse globale de 10% restent inexpliquées, l'affaiblissement du financement de l'État envers les collectivités territoriales étant simplement évoqué. Florence Verney-Carron réplique que « rien n'a été supprimé du côté des théâtres et des compagnies, ce sont des réajustements. Certains étaient éligibles à d'autres dispositifs. »

Fin par ailleurs des CDDRA, ces contrats de développement durables qui accompagnaient des projets naissants – notamment culturels – en milieu rural. Coup de rabot inquiétant également de manière plus globale sur le milieu associatif obligé de procéder à des suppressions d'emploi et amputation aussi de 200 000€ sur le domaine de la culture scientifique (via les CCSTI).

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Désirs d’avenir

Toutes ces demandes de rendez-vous non-satisfaites, les absences d'explications sur ces chiffres abrupts, trouveront peut-être une esquisse de réponse avec le nouveau directeur de la culture de la région. Arrivé cet été pour travailler avec l'élue, François Duval, ex-conseiller théâtre à la Drac Languedoc-Roussillon, est un fin connaisseur du sujet.

Le Syndeac (syndicat national des entreprises artistiques et culturelles), réuni en Plateforme avec d'autres réseaux syndicaux de la culture depuis un an, y voit enfin un signe positif. « Jusque-là nous avons été mal accueillis voire pas accueillis. Même dans la région des Hauts-de-France cela ne se passe pas comme ça. Peut-être parce qu'élu avec les voix de la gauche, Xavier Bertrand veille sur la culture. » Et ce syndicat de rappeler que, pourtant, la concertation avec les acteurs de la création artistique est désormais inscrite dans la loi relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine, promulguée le 7 juillet 2016.

Dans cette période trouble, la Plateforme des acteurs du spectacle vivant en Auvergne-Rhône-Alpes appelle donc à un rassemblement ouvert à tous le lundi 10 octobre à 9h30, au cœur de la nouvelle région augmentée, Saint-Étienne, et dans ce lieu historique de la décentralisation et de la formation qu'est la Comédie. « Plus que jamais, dans ce contexte de mise à mal des valeurs culturelles, la réflexion collective est nécessaire » assure le communiqué de presse. En effet.

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