Little Big Man

Mercredi 11 juillet 2007

Dernière grande reprise de la saison à l'Institut Lumière, et nouveau grand film droit venu des années 70 américaines, Little Big Man d'Arthur Penn est un western iconoclaste et hilarant, porté par un génial Dustin Hoffman.CC

Les grands espaces en Cinémascope et en technicolor, la mythologie de l'ouest américain avec ses cow-boys et ses Indiens : Little Big Man a tout du western moderne. Mais les années 70 dans le cinéma américain ne sont pas là pour faire de la lèche aux images fondatrices du pays ; au contraire, il s'agit de les mettre en pièces, de les déconstruire pour mieux édifier une vision juste et moderne de son histoire. Little big man, c'est un vieil Indien (121 piges) seul survivant de la bataille de Little Big Horn menée contre le général Custer, et qui raconte sa vie fabuleuse, promettant au spectateur l'autre volet de la conquête de l'Ouest, celle des vaincus. Trois ans avant, Arthur Penn avait déjà mis un grand coup dans la fourmilière de l'entertainment en orchestrant le sanglant massacre final de Bonnie and Clyde. Aussi nous fait-il très vite comprendre qu'il y a anguille sous roche, et que l'on va passer plus de temps à se bidonner face aux tribulations de cet Indien adopté (c'était donc pour ça qu'il avait la peau blanche de Dustin Hoffman, oscarisé pour sa prestation), menteur patenté qui réécrit les événements au point qu'à la vraie réalité promise se substitue un tissu de balivernes.L'idiot historiqueL'audace de Little Big Man réside dans ce jeu permanent entre la tromperie officielle (les Indiens étaient des méchants, c'est bien fait pour eux si on les a butés - cf. La conquête de l'Ouest) et cette mythomanie bricolée par un hurluberlu pour se faire mousser. En gros, méfiez-vous de la vérité, car elle n'existe pas. Penn invente ainsi, bien avant Forrest Gump, l'image de l'idiot historique, capable de s'incruster au milieu des clichés pour les pirater et leur offrir une nécessaire révision. Tourné en 1970, c'est-à-dire juste avant l'autre grand western iconoclaste de l'époque (le fabuleux John MacCabe de Robert Altman), Little Big Man témoigne malgré tout d'une envie de redynamiser le cinéma américain en lui conférant une nouvelle splendeur : la fresque est épique, ample, d'une constante démesure narrative et esthétique, et elle s'appuie sans arrêt sur la force spectaculaire des meilleurs westerns. Son propos est certes à l'opposé de ses glorieux modèles, mais le désir de Penn (que l'on retrouvera ensuite dans son impressionnant film noir, La Fugue, puis en mode mineur dans un autre western, Missouri Breaks, et enfin, dans sa dernière réalisation importante, le mélodrame Georgia) est de donner au spectateur le cinéma adulte qu'il mérite, sans sombrer dans un auteurisme casse-burnes. En cela, Little Big Man est peut-être son chef-d'œuvre.Little Big Mand'Arthur Penn (1970, ÉU, 2h14) avec Dustin Hoffman, Faye Dunaway, Martin Balsam...À l'Institut Lumière, du 4 au 15 juillet