Après lui
Après son pathétique Le Clan, Gaël Morel fait en apparence meilleure figure avec ce portrait de mère en deuil entièrement porté par Catherine Deneuve. En apparence, car à part elle, dans Après lui, il n'y a rien du tout...Christophe Chabert
Du temps - les années 70 - où il écrivait dans Charlie Hebdo, l'immense Jean-Patrick Manchette endossait la panoplie du critique de cinéma avec une infinie mauvaise foi et employait souvent pour parler de mise en scène le qualificatif vachard de «propret». Propret, ça veut dire propre sur lui, bien coiffé, bien élevé ; le film gendre idéal que l'on peut présenter sans crainte à ses parents... Après lui est d'évidence du cinéma propret, surtout si on le compare avec le précédent film de Gaël Morel, Le Clan, nanar ahurissant qui possédait un côté sale, moche, vite fait mal fait. Là , vedette invitée et gros studio américain obligent, on est d'abord surpris par l'élégance de la lumière, le soin apporté aux mouvements de caméra caressants, le goût certain des décors. De plus, le cinéaste dégaine très vite et avec une certaine efficacité son mélo : une mère apprend la mort de son fils lors d'un accident de voiture ; éplorée, elle décide au risque du scandale de convier à la cérémonie de funérailles le chauffeur survivant, responsable aux yeux de tous du décès.Un corbillard comme véhiculeLe film a tout juste déroulé sa première bobine, et déjà le doute s'installe : comment ce remake au féminin de La Chambre du fils va-t-il tenir la route, sinon en suivant patiemment le jeu de sa comédienne, une Catherine Deneuve remarquable ? Eh bien, il ne tient pas. Car à la manière de n'importe quel véhicule pour star, Après lui n'a rien d'autre à offrir que son actrice. Tout y est même souvent discutable : la famille du «meurtrier» ? Des prolos portugais dans une cité de pacotille dont le cinéaste ne sait absolument pas quoi faire (alors que quand on a Luis Rego devant sa caméra, on a vraiment quelqu'un à filmer)... La confrérie d'adolescents qui traverse le film ? De très mauvais acteurs, peu aidés par un texte souvent ridicule à force de souligner ses intentions... D'ailleurs, tiens, il faut sur le champ affirmer qu'Après lui n'a rien d'un film d'auteur, car ni Gaël Morel, ni son co-scénariste Christophe Honoré ne méritent ce titre, entendu dans son sens originel et littéraire. C'est même plutôt une nouvelle forme de cinéma commercial que le film invente, un cinéma qui à défaut de parler sincèrement au plus grand nombre, préfère viser cyniquement des catégories entières de public (ici, les gays et la petite bourgeoisie). Ce formatage est certes moins flagrant que dans Hellphone, mais pas forcément si éloigné que ça... En tout cas, entre David Fincher et Gaël Morel, puisque telle est l'impossible alternative qui nous est posée en ce mois de mai, il n'y a pas d'hésitation pour savoir lequel se pose de réelles questions de cinéma.Après luide Gaël Morel (Fr, 1h30) avec Catherine Deneuve, Thomas Dumerchez, Guy Marchand...