Soleil vert
Nouveau choix culotté et judicieux de la brillante «Ciné-collection», Soleil vert, film d'anticipation écolo de Richard Fleischer, fait un petit tour des salles de l'agglo en ce mois de mai.CC
1973. Tout le monde a le nez dans la révolution, et beaucoup croient encore aux lendemains qui chantent. Cinématographiquement, des nouvelles vagues fleurissent partout, et tout le monde rêve à une jonction définitive entre les auteurs et le cinéma populaire. Aux États-Unis, qui furent les premiers à dégainer en 1967, les cinéastes ont tous pris le mors aux dents, et même les films de genre se mettent à parler sérieusement à leur audience, à tenir des discours forts et engagés. Il y a même un acteur célèbre qui semble décider à devenir l'emblème de ce cinéma contestataire : il s'appelle Charlton Heston et, depuis le succès de La Planète des singes, il a axé sa carrière sur des films de science-fiction qui n'ont pas peur de tendre un majeur bien dressé à ceux qui voient l'avenir comme un futur radieux où le progrès ferait le bonheur des citoyens. 30 ans plus tard, le même Charlton a en effet contribué à démontrer que le progrès, c'était aussi un retour à la sauvagerie, mais on se serait bien passé de cette démonstration-là ...Malbouffe pour tousOn s'en serait passé d'autant plus qu'en revoyant Soleil Vert, qui date justement de 1973, il ne fait aucun doute que l'Amérique avait déjà conscience du processus destructeur dans lequel elle était engagée. Nous sommes en 2022, le pays est surpeuplé, paupérisé, pollué, laminé par une famine liée à la disparition des ressources naturelles. Tout le monde se nourrit avec des espèces de plaquettes d'aliments concentrés appelés «Soylent», contraction de «soja» et de «lentille». La police est partout, la justice nulle part (on embarque les manifestants avec des pelleteuses !). Quand un flic un peu las décide de fourrer son nez, par un enchaînement de circonstances, dans les méthodes de production de cette bouffe pour masses apeurées, il découvre que l'affaire est trop bio pour être honnête. Pas la peine de révéler le pot aux roses, mais il fait mal quand on se le prend sur la tête, jusqu'au dénouement particulièrement désespéré. Richard Fleischer, qui réalise Soleil vert, est plus qu'un artisan talentueux. Il a déjà une longue filmo derrière lui, avec quelques grands films (L'Étrangleur de Boston, Les Flics ne dorment pas la nuit) et des fresques populaires réussies (20 000 lieues sous les mers, Les Vikings, Tora ! Tora ! Tora !). Avec Soleil vert, il prouve à nouveau son efficacité et son sens d'un cinéma sans gras, sec et direct, magistralement dirigé et ménageant toujours des scènes visuellement inoubliables. Ici, c'est l'euthanasie du vieillard incarné par Edward G. Robinson qui imprime la rétine : seul face à un écran diffusant des images champêtres et bucoliques avec les Quatre saisons de Vivaldi en guise de bande originale, dernier moment de bonheur au milieu du cauchemar.Soleil vertde Richard Fleischer (1973, EU, 1h37) avec Charlton Heston, Edward G. Robinson...Le 24 mai au Ciné Duchère, le 26 à Ecully Cinéma, le 27 au Comœdia, le 28 au Zola