Heimat 3

Mercredi 23 mai 2007

d'Edgar Reitz (1999-2002, All, 10h58) avec Henry Arnold, Salome Kanner...

Voici le dernier (mais peut-être pas ultime) volet d'une saga monumentale, qui malgré ses origines télévisuelles représente un tournant cinématographique majeur. En 1984, le cinéaste Edgar Reitz se lance dans l'élaboration d'un récit fleuve (onze chapitres pour une durée totale dépassant les 15 heures) retraçant l'Histoire allemande du 20e siècle, à travers le prisme du petit village de Schabbach en général et de la famille Simon en particulier. L'ambition narrative est énorme : à travers une pléthore de personnages principaux, d'anecdotes, de psychologies épousant ou fuyant les pensées dominantes, Edgar Reitz élabore une toile dramatique fourmillante mais d'une fluidité sidérante. Outre l'acuité d'un regard sans fards ni faux-fuyants, Heimat est également une œuvre maîtresse dans sa mise en scène, qui peut nous sembler aujourd'hui relativement dans la norme, mais qui vingt ans en arrière recelait d'innovations rarement vues sur le petit ou même le grand écran. L'alternance et les interpénétrations entre couleurs et noir et blanc, les travellings virtuoses et mouvements de caméra complexes, les cadrages audacieux... Le réalisateur est conscient de l'ampleur et du potentiel lénifiant de son sujet, mais il lui donne une réelle ampleur romanesque, exempte de pathos malvenu. Il est d'ailleurs hallucinant de relever la somme d'inspirations (voire de pillages purs et simples) que le film a engendrée... Au début des années 90, Reitz voit encore plus grand (plus de 25 heures !) avec une deuxième partie se focalisant sur le benjamin de la famille Simon, Hermann, parti dans les années 60 poursuivre ses études musicales à Munich. Le ton penche du côté d'un lyrisme mélodramatique violemment introspectif, mais convainc toujours autant sur la durée. La dernière partie (à peine 11 heures) suit de nouveau Hermann, de la chute du Mur de Berlin à aujourd'hui. S'il est conseillé d'avoir vu les précédents volets (après tout, qu'est-ce que 40 heures à l'échelle d'une vie ?) pour percevoir toute la grandeur de ce tour de force, Heimat 3 peut s'apprécier indépendamment comme un feuilleton étrangement glauque sur l'Allemagne contemporaine.François Cau