Leningrad Cowboys go America
D'Aki Kaurismaki (1989, Finlande/Suède, 1h18) avec Matti Pellonpää...
Fin des années 80. Aki Kaurismaki vient de boucler sa première trilogie sociale lorsqu'il rencontre un groupe d'extraterrestres. Les Leningrad Cowboys, une dizaine de musiciens dont le stoïcisme n'a d'égal que le caractère hallucinant de leur look : costards cravates, lunettes de soleil, et surtout, des bananes aussi pointues que les santiags. Le cinéaste finlandais parsemait déjà ses œuvres de touches d'absurde, dispensait de l'abstraction comique à tout va, mais l'émulation créatrice qui naîtra de son alchimie avec les Cowboys donnera naissance à de grands moments de surréalisme. Tout d'abord à travers les courts musicaux Rocky VI (hilarante parodie de Rocky IV) et Thru the Wire, puis avec le présent long métrage. Au sortir d'une audition foirée, un producteur conseille au groupe d'aller aux Etats-Unis, parce que «là -bas ils avalent n'importe quelle merde». S'ensuit un road-movie jusqu'au Mexique, lieu de leur premier engagement officiel, où les Cowboys vont peu à peu se familiariser avec le son qui deviendra leur marque de fabrique : les reprises de standards rock US. Un périple irrésistible, tout en langueur contrôlée, parsemé d'images bucoliques somptueuses. Si le réalisateur a aujourd'hui une fâcheuse tendance à se reposer dessus sans s'interroger plus que ça, l'art du décalage de Kaurismaki est ici à son plus haut niveau. L'aplomb imperturbable de chaque situation met les zygomatiques à l'épreuve, la répétition enivre plus qu'elle ne lasse, et le pont dressé entre l'auteur et Jim Jarmusch (qui signe une courte apparition en garagiste) est carrément pertinent. Que du bonheur. FCle 16 mai à 20h, salle Juliet Berto (CCC)