Destricted
Sept réalisateurs livrent leur vision de la pornographie. Sans surprise mais via une mise en abîme stupéfiante de ses préoccupations usuelles, c'est le cinéaste le plus porté sur la chose qui tire son épingle du jeu. François Cau
Plus aguicheur, tu meurs : sept artistes ont été enjoint à réaliser un court-métrage reflétant leurs opinions sur le sexe et la pornographie. Si le résultat se situe à des lieux du racolage redouté, on se retrouve devant un objet forcément hybride, et à l'intérêt carrément inégal. Pour être franc, on a la désagréable impression que la majorité des cinéastes ayant œuvré pour cette anthologie s'est livrée à un concours de celui qui livrerait le film le plus arty. Ainsi de Richard Price, qui se contente de jouer avec le grain et le son d'un porno des seventies ; de Sam Taylor-Wood et de son plan-séquence atone d'un cowboy "fusionnant" avec la Vallée de la Mort ; de Marina Abramovic dont les légendes sexuelles balkaniques intriguent, lassent puis agacent ; de Gaspar Noé à qui il faudrait interdire d'utiliser l'abus de stroboscope. Matthew Barney, enfin, fumiste en chef attendant patiemment que le spectateur donne du sens à ses amours mécaniques, avec radis dans le fondement en option. La surprise vient de l'inattendu Marco Brambilla (Demolition Man, souvenez-vous...) qui nous livre avec Sync un montage épileptique de séquences coquines hollywoodiennes, s'enchaînant à une vitesse fulgurante sur fond de solo de batterie. Un travail aussi volontairement frustrant (2 petites minutes à peine) qu'hypnotique.Kids Au beau milieu de ces propositions pas franchement concluantes, se cache un authentique bijou subversif. Impaled de Larry Clark choisit un parti pris documentaire à l'impudeur déstabilisante. Le cinéaste auditionne dans un premier temps plusieurs ados pour le tournage d'une scène hard : valse des questions personnelles, du rapport de ces teenagers lambda à la pornographie. Découverte de l'impact parfois trivial, mais souvent désastreux, de l'accessibilité sans recul à la production pour adultes : les spécimens interrogés ont assimilé l'image de la femme objet sans se poser de questions. Viennent ensuite les confrontations avec des "professionnelles de la profession", et leurs révélations sans fards de la réalité d'un milieu sur lequel tant de fantasmes se cristallisent. Une fois le couple sélectionné, la scène se tourne quasiment en temps réel, sans qu'aucun détail ne nous soit épargné. L'amer témoignage final enfonce le clou. Sordide mais sans complaisance malvenue, Impaled autopsie l'absence cruelle d'affect d'une sexualité industrialisée. Si l'on sent la fascination équivoque du réalisateur pour ces dérèglements, Larry Clark a l'intelligence de la mettre en perspective au gré d'une construction bien pensée. Les autres courts-métrages n'en paraissent que plus poseurs... Destrictedde Matthew Barney, Marina Abramovic, Richard Price, Marco Brambilla, Larry Clark, Sam Taylor-Wood, Gaspar Noé (ÉU-Angl, 1h55) avec Dillan Lauren, Angela Stone...