Un p'tit vélo dans la tête
Reprise à Écully cinéma de Pee Wee's big adventure, premier film de Tim Burton autour du personnage de Pee Wee Hermann, un comique pour enfants qui fait hurler de rire les adultes déjantés.Christophe Chabert
Si Pee Wee's big adventure ressort aujourd'hui, c'est grâce à la réputation acquise depuis (1985) par son réalisateur, Tim Burton, qui signait alors son premier long-métrage après des courts animés très remarqués. Pourtant, à l'époque, le film n'était qu'un véhicule pour sa «star», Paul Reubens alias Pee Wee Hermann. Reubens et son personnage animaient tous les matins un show pour enfants très populaire à la télé américaine. Le cinéma, comme souvent, a senti le bon filon avec cet énergumène à l'humour pour le moins régressif. Très gros succès aux États-Unis, le film aura bien du mal à passer les frontières ; en France, il débarque sur les écrans un an plus tard, après une projection enthousiaste lors du festival monté par l'excellente revue Starfix à l'Escurial Panorama. Pour le coup (mais ce n'est pas la seule fois !), Gans, Boukhrief et leurs camarades critiques ont eu du nez, tant le film déborde en tous points la commande de départ.Le Freak, c'est chicPee Wee, c'est un adulte bloqué dans l'enfance. Il vit dans une maison remplie de gadgets, mange avec des couverts immenses, porte un costume gris trop étroit et voue un amour démesuré à sa bicyclette customisée. Enfin, détail important pour saisir l'hilarité qui saisit le spectateur devant cet hurluberlu, il ponctue chacune de ses phrases par un petit rire grotesque ou par des expressions faciales improbables. Pee Wee, c'est Tintin à qui on a greffé un cerveau de Teletubbie... Un matin, il bascule dans le cauchemar : on lui fauche en pleine rue son précieux destrier ! Commence alors un périple mouvementé à travers l'Amérique, où ce freak déjanté va croiser des specimens tout aussi particuliers, mais nettement plus conformes à la mythologie américaine (scène d'horreur avec une vieille routière, visite d'un pub rempli de bikers bourrés...). C'est là où le film prépare l'œuvre à venir de Tim Burton : tout est dans la réaction des gens «normaux» face à ce trublion. Comme dans les futurs Edward aux mains d'argent ou Ed Wood, la communauté tolère cette incarnation fière et outrageuse de la différence ; ils s'y sont faits, mais il suffit qu'il se retrouve dans un magasin de farces et attrapes pour que Burton saisisse les regards circonspects, sinon hostiles, des clients. Cependant, Pee Wee's big adventure, film léger et optimiste, fait du personnage une force créatrice triomphante car naïve et innocente (voir la scène dans le bar où il retourne les clients en improvisant une danse absurde sur Tequila !). La réalité est hélas ! plus cruelle que la fiction... Reubens a vu sa carrière détruite lorsqu'il fut attrapé dans un cinéma porno en pleine séance de turlute. Pas chien, Burton fut un des rares à lui offrir une seconde chance en lui confiant un rôle dans Batman le défi, celui du père du Pingouin. Une leçon de tolérance conforme aux idéaux humanistes de ce film à redécouvrir.Pee Wee's big adventurede Tim Burton (ÉU, 1h35) avec Paul Reubens...