Schlöndorff, option lettres modernes
Un week-end et huit films à l'Institut Lumière pour terminer la rétrospective Volker Schlöndorff, cinéaste allemand célébré dans les années 70 et un peu perdu depuis. Réévaluation ?CC

Photo : Le Tambour
Au moins, sur ce coup-là , on ne pourra pas accuser l'Institut Lumière de ne pas prendre des risques et de ne pas jouer son rôle de cinémathèque... Oser la rétro Volker Schlöndorff, c'est pour le moins courageux tant le cinéaste n'a aujourd'hui plus guère de crédit auprès des cinéphiles, et ce malgré l'accueil bienveillant reçu par son dernier film, Les Trois vies de Rita Vogt. Avouons-le, Schlöndorff n'est pas notre spécialité ici même si, comme beaucoup, on a été marqué profondément par la découverte de son film le plus célèbre, l'extraordinaire Tambour. Palme d'or (ex-aequo avec Apocalypse Now) à Cannes en 1979, Le Tambour retranscrit avec fidélité l'atmosphère baroque et fantastique du roman de Gunter Gräss dont il est tiré, en lui trouvant de très originales équivalences visuelles. On y voit un jeune garçon décider un jour de ne plus grandir, prodige qui ne sera jamais expliqué à l'écran, sinon par sa capacité à pousser des cris qui brisent tout autour de lui et son obsession à taper frénétiquement sur un petit tambour. L'Allemagne, elle, traverse la phase la plus sombre de son histoire : l'apparition du nazisme, son apogée et sa chute. Ce que nous murmure Schlöndorff avec cette fable noire, c'est qu'il n'y a d'innocence que celle qui nous arrange, et que la soi-disant naïveté est souvent prétexte à une pure et simple lâcheté.Un mercenaire de l'adaptation littéraireLe reste de l'œuvre du cinéaste est plus méconnu. Dans les années 70, il est avec Wenders et Fassbinder un des chefs de file du nouveau cinéma allemand, faisant même le lien entre le formalisme du premier et l'engagement politique du second. De cette période, on retient surtout deux films : Les Désarrois de l'élève Törless, d'après Robert Musil, et L'Honneur perdu de Katarina Blum, co-réalisé avec sa compagne Margarethe Von Trotta. Schlöndorff affiche ainsi sa prédilection pour l'adaptation littéraire, ce qui déterminera la suite de sa carrière, notamment sa capacité à tourner hors des frontières allemandes : en France, il accepte une commande autour d'Un amour de Swann de Marcel Proust, avec Alain Delon ; aux États-Unis, il réalise une ambitieuse transposition à l'écran de la pièce d'Arthur Miller, Mort d'un commis voyageur, avec Dustin Hoffman. Ensuite, c'est plus confus : un film de SF raté, malgré la présence du dramaturge Harold Pinter au scénario (La Servante écarlate), une nouvelle adaptation d'un classique où Schlöndorff retrouve les thèmes du Tambour, à savoir la fausse innocence face aux horreurs nazies (Le Roi des Aulnes d'après Michel Tournier)... En tout cas, la carrière du cinéaste, à l'image de celle de Wenders, traduit la difficulté pour les metteurs en scène de la modernité européenne à trouver un territoire esthétique et géographique dans un cinéma contemporain lui aussi mondialisé.Week-end Volker SchlöndorffÀ l'Institut LumièreLes 20, 21 et 22 avril