Les Contes de Terremer

Mercredi 11 avril 2007

Goro Miyazaki prend le relais de son père avec un récit d'aventures classique qu'il bouscule par une approche mythologique complexe et flamboyante.Christophe Chabert

En ce qui concerne la famille Miyazaki, on en était resté au dernier film d'Hayao, Le Château ambulant, où son envie de faire exploser les limites de son univers ne faisait pas un pli, mais un peu mal au crâne. Alors qu'on attendait avec un rien d'appréhension la suite de ce film-somme, c'est finalement son fils, Goro, qui prend le relais avec Les Contes de Terremer. Il serait presque trop facile d'ailleurs d'interpréter le récit comme une référence directe à cette filiation filmique, étant donné qu'on y voit un vieux magicien révéler à un jeune garçon l'étendue de ses pouvoirs. Tout comme il vaut mieux ne pas tenter la comparaison entre le style graphique du fils et du père : Les Contes de Terremer est plus proche des œuvres de jeunesse d'Hayao que de ses exploits récents (à l'exception du traitement visuel des décors, souvent somptueux). Enfin, là où le paternel a tendance à brouiller les pistes narratives en se promenant sans arrêt entre le réel et les mondes oniriques, Goro préfère une plus sage linéarité accouchant d'une fable pour tous les âges. Ce qui n'empêche ni l'ambition, ni la lucidité.Notre part d'ombreDans la première partie du film, les territoires explorés sont plutôt balisés : l'enfant paumé qui se découvre un mentor (vieillissant), un amour (innocent) et une ennemie (mortelle), chaque personnage apportant son lot de stéréotypes et de mystères à un récit faisant la part belle à l'action et à l'aventure. Il y a toutefois deux petites entorses aux règles du genre : le garçon a assassiné son père, un prince visiblement progressiste et éclairé, et des dragons menacent d'envahir le monde, dont l'équilibre a été dérangé par la volonté de puissance d'une sorcière cruelle. Dans sa deuxième partie, Les Contes de Terremer intensifie cette part obscure, débouchant sur des séquences de plus en plus vertigineuses visuellement, et surtout ouvrant vers un propos à la force mythologique époustouflante. Miyazaki Jr, à mesure qu'il précipite son monde dans le chaos, en fait aussi l'enjeu d'un affrontement entre des forces contradictoires qui ne sont que le reflet de l'âme tourmentée des personnages. Ici, c'est bien la lutte intérieure entre l'espoir et le renoncement qui provoque le désordre. Pas de manichéisme, ni de gentils ou de méchants, tous pouvant basculer de la lumière aux ténèbres selon leurs inclinations du moment. Goro Miyazaki glisse ainsi avec délicatesse son message à l'oreille du spectateur : l'équilibre et l'harmonie du monde dépendent aussi du chemin que notre conscience trace librement au sein de son environnement, naturel ou humain. Un message que le cinéaste a l'intelligence de ne transmettre que par ses images ; c'est ce qui fait des Contes de Terremer un film très beau et surtout incontestablement profond.Les Contes de Terremerde Goro Miyazaki (Japon, 1h45) animation