Les Petites Vacances

Mercredi 31 janvier 2007

La fugue d'une grand-mère qui enlève en douceur ses petits-enfants : le regard juste et sans pathos d'Olivier Peyon séduit dans ce premier film porté par une très grande Bernadette Lafont.Christophe Chabert

Il faut avoir une certaine audace aujourd'hui pour prendre, dès son premier film, la clé des champs dans un cinéma français balisé par les formules éculées. Ni auteur autoproclamé et satisfait, ni artisan besogneux, Olivier Peyon n'appartient à aucune coterie, sinon celle des cinéastes sincères qui croient que d'un plan simple sur des êtres simples peut surgir des sentiments profonds, troubles et complexes. Ainsi, Les Petites Vacances n'ont l'air de rien : une grand-mère récupère ses petits-enfants dont les parents sont séparés, légalement et géographiquement. Plutôt que de les ramener après un week-end à leur père et à leur belle-mère, elle décide de prolonger ces «vacances» en les emmenant d'hôtels en chalets à travers les Alpes, décor magnifique et magnifiquement filmé. Retardant au maximum le moment d'expliquer les raisons profondes de ce rapt sans violence, Peyon peut ainsi explorer toutes les zones d'ombre d'un personnage qui est loin de forcer l'identification du spectateur ou d'alimenter la rubrique «vie des seniors» de Notre Temps.Lafont dans l'ambiguïtéCar cette grand-mère agit souvent comme une enfant : caprices, chantages, coups de tête, égoïsme, mensonges... Rien d'étonnant à ce que les deux gamins du film finissent par être plus matures qu'elle, plus adultes presque (et très bien dirigés, une qualité rare au cinéma...). Surtout, elle justifie constamment ses propres désirs en les projetant sur les désirs des autres («Ça ne te fait pas plaisir ?» répète-t-elle à plusieurs reprises, comme pour simplifier les alternatives), et se place en victime alors qu'elle est la seule à agir selon sa volonté («Pour une fois qu'on fait quelque chose ensemble...», autre formule pas si toute faite que cela). Si la précision de la mise en scène permet ainsi de tenir à distance tout pathos, elle ne serait pas grand-chose sans la force que procure l'interprétation de Bernadette Lafont à cette mamie borderline. Si l'actrice a toujours su jouer de sa beauté vénéneuse pour camper des personnages ambigus, c'est certainement la révélation dans les années 80 de son côté obscur par Claude Chabrol qui lui permet aujourd'hui d'atteindre à nouveau les sommets avec ce rôle qu'elle ne laisse pas passer. Derrière chaque expression de la comédienne, c'est un volcan d'émotions contradictoires qui s'expriment, où la joie est toujours un peu triste, la colère toujours assez lasse et le désespoir constamment soutenu par une vraie pulsion de vie. Grâce à elle, ces Vacances ne sont pas si petites que cela, au contraire, elles débouchent sur une poignée de scènes finales à la portée existentielle insoupçonnée et à l'irrésolution assumée.Les Petites Vacancesd'Olivier Peyon (Fr, 1h30) avec Bernadette Lafont, Claude Brasseur...