Le gâteau ou la mort, donc. Dans l'état où il se trouve aujourd'hui (un cancer bien mal embarqué aurait dû l'emporter depuis des lustres), on peut penser que Lee Hazlewood, joaillier country-pop pour les uns, vieux beau variétoche pour les autres, verra la Faucheuse avant d'avoir fini son muffin. Pourtant à l'inverse d'un Johnny Cash, auquel sa voix caverneuse fait de plus en plus penser, il n'a pas enfilé de linceul noir pour son dernier tour de piste, mais un clinquant costume d'entertainer. A-t-on en effet déjà chanté la mort avec autant de sérénité (The Old Man) ? Noyé Bagdad (Bagdhad knights), non pas sous une pluie de bombes mais sous les averses cuivrées d'un big band ? Tenté un remix valse de Mozart et Bach ? Conscient qu'il ne fera plus bombance de sitôt, Lee ose tous les mélanges, y compris le refrain rockabilly en allemand (The First Song of the day) ou la reprise de Some velvet morning avec sa petite fille de 8 ans. Quitte à frôler l'indigestion kitsch, malgré quelques pépites (It's nothing to me et ses accents fordiens, These boots are made for walking, reprise façon vieux coyote du tube qui, dans la bouche de Nancy Sinatra, eut son petit succès dans les années 60). Loin des meilleures roucoulades du maître, cette ultime pièce montée à l'équilibre précaire conserve pourtant le charme d'un délicieux excentrique, à la fois cow-boy de salon et Joël Robuchon de l'hymne pop, capable de se livrer à la mort et de lui tendre un gâteau comme pour lui dire, un sourire en coin : «Bon appétit, bien sûr...». SD