Cours de Lang
La rétrospective Fritz Lang se poursuit jusqu'à fin décembre à l'Institut Lumière, mélangeant classiques allemands, films noirs américains et période «indienne».Christophe Chabert

Photo : Metropolis
L'actualité chargée en bons films de ce mois de novembre nous oblige à prendre en marche le train de la rétro Fritz Lang, lancé à grande vitesse à l'Institut Lumière. Hélas pour nous, il est déjà trop tard pour recommander des films aussi cruciaux que L'Invraisemblable Vérité, Règlements de compte ou son unique western, L'Ange des maudits. Il reste cependant quelques monuments à voir dans les semaines qui viennent, à commencer par ses deux énormes classiques que sont Metropolis et M le maudit. D'un côté, un film d'anticipation si visionnaire qu'il influence encore plus d'un cinéaste de SF contemporain ; de l'autre, la matrice du discours tenu par Lang le long de sa carrière, un pessimisme lucide qui n'oublie jamais d'être humaniste, où la mise en scène est avant tout affaire de morale, puisqu'elle questionne sans arrêt les idées reçues (le pédophile du film devenant un sociopathe qu'une foule ivre de vengeance condamne à mort après une parodie de justice). Deux films déterminants pour la suite de sa carrière : Metropolis lui vaut l'admiration du régime nazi (probablement par son message assez ambigu réconciliant de manière maladroite masses ouvrières et pouvoir dominant par un bizarre appel au «cœur») qui lui propose de prendre en charge la propagande cinématographique du parti, M le maudit étant sa réponse à la fanatisation des foules par l'hitlérisme triomphant. Il décline la proposition, quitte l'Allemagne, transite par la France avant de s'installer aux Etats-Unis.Un moraliste en exilLongtemps regardée avec condescendance, cette époque de sa filmographie est pourtant d'une grande cohérence : le film noir est son terrain de prédilection, car il lui permet de reprendre les grandes questions morales qui le hantent. Furie, avec Spencer Tracy, est un modèle en la matière : le récit est conduit de manière classique, mais Lang prolonge la réflexion amorcée dans M le maudit, en transformant son faux coupable condamné au lynchage en bourreau vengeur dans la dernière partie. Le détournement des codes du film noir est encore plus net dans le splendide Secret derrière la porte : très hitchcockienne, l'histoire (une femme soupçonne son mari d'être un assassin gardant derrière des portes les souvenirs de ses actes macabres) est prétexte à un traitement visuel surprenant, rempli de références freudiennes et lorgnant vers le surréalisme pictural. Mais c'est dans un film d'aventures a priori banal que Fritz Lang va le mieux exprimer son génie : Les Contrebandiers de Moonfleet n'est pas un film de pirates ordinaire, c'est une réflexion sur le passage de l'enfance à l'âge adulte à classer aux côtés de La Nuit du chasseur. Enfin, l'Institut Lumière propose de redécouvrir la fameuse période «indienne» du cinéaste, deux films (Le Tigre du Bengale et le Tombeau hindou) qui pour certains sont la quintessence de son art. Mais quand même, pour ceux qui connaissent mal Fritz Lang, on conseillera plutôt les titres cités avant...Rétrospective Fritz LangÀ l'Institut LumièreJusqu'au 30 décembre