Le Concile de Pierre
Que pouvait-on attendre d'une adaptation du miteux Jean-Christophe Grangé par le grand Guillaume Nicloux ? Exactement ce Concile de Pierre : l'œuvre d'un styliste au service d'un scénario à la connerie abyssale.Christophe Chabert
Résumons d'abord l'étendue du drame : en deux films (Une affaire privée et Cette femme-là ) Guillaume Nicloux avait prouvé qu'on pouvait, en France, faire des polars passionnants et cinématographiquement novateurs. Mais voilà : les deux se sont plantés grave au box-office. Pour pouvoir boucler sa trilogie, Nicloux accepte donc l'adaptation du Concile de Pierre, cauchemar littéraire signé Jean-Christophe Grangé, dont les autres daubasses avaient donné des trucs aussi calamiteux que Les Rivières pourpres ou L'Empire des loups. Pour ceux que ça ne choque pas, imaginez Jean-Pierre Melville adaptant San Antonio, et vous aurez une idée assez précise de la panade redoutée. Après vision attentive, le plus rageant avec ce Concile de Pierre, c'est qu'il est parfaitement conforme à nos craintes raisonnées. On y assiste au combat d'un réalisateur qui se pose à chaque plan des questions de cinéma, qui tente de débarrasser son matériau scénaristique de ses plus évidentes balourdises, mais qui finit par perdre le bras de fer, obligé de filmer quand même ce maudit bouquin.Bête à Grangé du foinPourtant, le film s'ouvre sur une séquence éblouissante : Nicloux exécute une pure scène d'action, mais coupe le son et le remplace par quelques notes de piano. Idée magnifique, mais qui déjà laisse entrevoir la faille : pendant combien de temps le cinéaste va-t-il pouvoir ruser avec Grangé ? Assez longtemps somme toute, car toute la première partie retrouve l'atmosphère oppressante, les personnages dépressifs, le sens du décor inquiétant et surtout les lents travellings avants hypnotiques qui caractérisaient ses précédents films. Mais là encore, les impasses de l'histoire pointent : une femme découvre que son fils adoptif est convoité par des mystiques ayant survécu à un accident nucléaire et qui voient dans le bambin la réincarnation d'un guérisseur ancestral ; ça fleure bon la série B portnawak. Pour éviter là encore de sombrer trop vite dans le ringard, Nicloux préfère faire raconter à ses personnages les situations les plus idiotes plutôt que d'avoir à les mettre en scène. C'est à cet instant que le cinéaste perd la main, car son entreprise est en définitive contre-productive : au lieu d'être bête, le film choisit d'être ennuyeux et monotone. Enfin, jusqu'à son dernier tiers ! Car dès que Monica Bellucci, qui joue comme dans un Bresson, part en Mongolie traquer des êtres mi-hommes mi-bêtes qui veulent sacrifier son rejeton, on a plutôt envie de ricaner devant tant de connerie filmée avec autant de sérieux. C'est triste, franchement. Même la pessimiste note finale paraît artificielle, ultime aveu d'impuissance en forme de fuck off d'un cinéaste qui mérite mieux, tellement mieux...Le Concile de Pierrede Guillaume Nicloux (Fr-All, 1h45) avec Monica Bellucci, Catherine Deneuve, Sami Bouajila...