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Mercredi 18 octobre 2006

Nouvelle collaboration entre l'auteur de livres pour enfants Grégoire Solotareff et le réalisateur Serge Elissalde, ce conte développe un imaginaire facétieux pour mieux appuyer son propos. François Cau

Flash-back sur la sortie privilégiée de la semaine passée, prouvant que les grands esprits se rencontrent fortuitement. Au cours de la dernière scène de Dans Paris, les deux frères se rejoignent enfin autour de la lecture de Loulou, un conte à destination du très jeune public signé Grégoire Solotareff. Dans ce recueil comme dans son adaptation filmique, le dessin patelin du maître de la petite enfance s'amuse à mettre dos-à-dos les notions de peur et d'une innocence enfantine pas encore stigmatisée par les préjugés sociaux. Le charme d'un trait naïf y est étayé par la répétition signifiante, en autant de mantras s'insinuant durablement dans l'esprit. Le procédé pourrait sembler grossier, mais le mérite principal de Solotareff est de l'élever par une narration imparable, une nouvelle fois à l'honneur ici. Soit Mona, princesse adolescente d'un royaume d'opérette régenté par des rats acariâtres, et son unique amie U ; héroïnes très attachantes dont le quotidien sera bouleversé par l'irruption sur leurs terres des wéwés, créatures musiciennes itinérantes. Tandis que les régents souhaitent les voir partir, les deux jeunes filles s'énamourent des membres de la troupe. L'enjeu thématique glisse habilement sur l'opposition drastique entre nomades et sédentaires, sur les a priori respectifs animant les communautés, sans perdre de vue une légèreté mutine garantissant le charme de l'ensemble.SwingSous couvert d'une animation faussement rudimentaire (car témoignant d'un travail émérite sur la création de son univers "fantaisiste"), le film abonde sous les références picturales bienvenues, citant à tour de bras des toiles de maître (les scènes introductives du château, du propre aveu du réalisateur, constituent de larges emprunts à l'univers visuel de Rembrandt). Et que les amateurs de Joann Sfar exultent comme des bêtes affamées : tant dans le design des personnages que dans le traitement narratif de l'univers des wéwés, la parenté avec le monde graphique de notre auteur de bande dessinée adoré (en particulier son récent Klezmer) est grandement présente. En lien presque direct (via la composition de la bande-son par Sansévérino qui, après son excellente participation au surréaliste Avida, remonte grave dans notre estime), on ne saurait trop louer l'énorme apport artistique constitué par un casting vocal pertinent (Isild le Besco en pimbêche, Vahina Giocante en muse, Guillaume Galienne en lézard...), une pierre supplémentaire à un édifice moins anodin qu'il voudrait nous le laisser croire. Le discours ne verse jamais dans le démonstratif éhonté, se contente d'asséner un propos limpide érigé en évidence humaniste. Avec U, Solotareff et Ellissalde glissent avec bonheur du statut d'outsiders de l'animation française à celui de valeurs sûres. Ude Serge Elissalde (Fr, 1h15) animation