Voiture de luxe

Mercredi 4 octobre 2006

Délaissant quelque peu les atours d'ultra réalisme qui entouraient ses deux premiers films, le cinéaste chinois Wang Chao signe avec ce troisième métrage une élégante parabole sur la société chinoise contemporaine par le biais d'un film noir.Damien Grimbert

Drôle de personnage que ce Wang Chao, fils d'ouvrier et ouvrier lui-même, atteint d'une passion débordante pour le cinéma, la littérature et la philosophie. Licencié de son usine en 1991, il devient ainsi tour à tour critique de cinéma, romancier, assistant à la mise en scène, puis réalisateur. Avec ce troisième film, vu comme le dernier d'une trilogie axée sur les mutations de la société chinoise actuelle, il délaisse quelque peu le ton des deux premiers volets (L'Orphelin d'Anyang, et Jour et nuit), qui lui avaient valu une reconnaissance critique internationale, sans pour autant bénéficier d'une sortie en salles en Chine (contrairement à ce dernier opus). Place ici à une chronique contemporaine ouvertement sombre, située aux frontières de territoires interlopes rapprochant ce Voiture de Luxe de la lignée des films noirs.Lost in transitionSoit donc Li Qi Ming, instituteur campagnard proche de la retraite, fraîchement débarqué dans l'urbanité galopante de la ville de Wuhan pour retrouver son fils, dont il a perdu la trace. À l'origine de cette quête frénétique, la dernière volonté de sa femme, atteinte d'un cancer et désireuse de revoir son fils avant de mourir. Sur place, il est accueilli et hébergé par sa fille Yanhong, jeune beauté blessée, travaillant la nuit comme hôtesse d'une boîte de karaoké fréquentée par la pègre locale. Rapidement, il se lie d'amitié avec un vieux policier qui va l'assister dans ses recherches, et rencontre également l'ami de sa fille, l'ambigu propriétaire du karaoké qui s'avère un amant attentionné. Tous les éléments sont désormais en place pour une escalade vers le tragique, bien heureusement dénuée de tout caractère pompier, ou autre emphase hors de propos. Car c'est bien là que réside au finale la principale qualité du métrage, au-delà d'une mise en scène simple mais élégante, et d'une excellente galerie d'acteurs : dans cette capacité à éviter systématiquement toute lourdeur, pour privilégier une sobriété et une retenue plus propices à l'émotion. Un constat qui s'applique aussi bien au script lui-même qu'au propos sous-jacent du réalisateur, qui n'a -comme on pouvait s'en douter- pas renoncé à toute velléité politique. Ainsi, si Li Qi Ming a dû quitter la ville pour la campagne dans les années 60 à la suite de propos "contre-révolutionnaires", ce sont bien les conséquences indirectes du libéralisme sauvage et débridé qui provoquent désormais un exil similaire chez sa fille. La boucle est bouclée, dans un cheminement filmique d'une finesse inattendue.Voiture de luxede Wang Chao (Chi, 1h28) avec Tian Yuan, Wu You Cai...