Deux obstacles se dressent devant Jugez-moi coupable : faire un film de mafia après cette somme définitive qu'est Les Soprano ; et embaucher dans le rôle principal le yakayo Vin Diesel, acteur plus doué pour bander ses muscles que pour faire passer des sentiments à travers ses yeux de génisse. Or, Sidney Lumet a l'intelligence de renouveler le genre en le croisant avec un autre, celui du film de procès, et le crédibilise par une approche documentée, sinon documentaire. C'est donc le grand procès de la mafia du New-Jersey commandité par Rudolf Giuliani, maire de New York au moment des faits, que reconstitue le film, à travers le prisme d'un personnage outrancier, le seul à être déjà sous les barreaux avant la procédure. N'ayant rien à perdre, il choisit de se défendre lui-même, et transforme le procès en one man show. Comique, presque parodique, cette première partie désarçonne, mais Lumet a plus d'un tour dans son sac et le film livre peu à peu son véritable sujet... Ici, le plus grand crime commis par ces sympathiques "mafieux", c'est une partie de cartes sur un yacht. Certes, on sent bien que ce ne sont pas des enfants de chœur, mais rien ne viendra le prouver à l'écran, et le spectateur se rallie finalement à l'argument principal des accusés : le délit de faciès. Quand le politiquement correct vient à la rescousse du crime organisé, quand le spectacle travestit la vérité, c'est toute la justice qui vacille. Le film tient en creux, discrètement cachée derrière une mise en scène archi-classique, cette idée forte, tout en conduisant avec une certaine vivacité son récit. Et Vin Diesel, alors ? Contre toute attente, sans être le nouveau De Niro, il s'avère assez convaincant ; comme pour souligner sa "lourdeur" naturelle et son immobilité forcée (pas de murs défoncés, pas de tronches explosées !), le film se paye un drôle de running gag où le bien le plus précieux du personnage est... son fauteuil ! Diesel arrive même à émouvoir lors de l'épilogue, amer et surprenant, de ce petit film pas si négligeable que ça.CC